dimanche 11 mars 2007

QUE PORTE DOUCE OREILLE


j’étais chez moi en train d’examiner une
oeuvre bizarre du peintre de porte Bruno de
Fonteblaine, lequel reste largement inconnu. On
sait pourquoi. C’était un alcoolique désorganisé qui
ne participa à aucune fête, qui ne connaissait aucun ministre, qui
ne dansait pas en ville. Il n’avait pas d’opinion politique. Il ne fréquentait
pour ainsi dire que des grenouilles et des oiseaux malades. Il n’aimait ni
l’université ni les jardins d’enfants. Il craignait la
photographie à la manière des vieux Inuits, ce qui fait qu’aujourd’hui, on
peine à découvrir son travail. Même sur Internet, on ne trouve pas son
nom. Il n’y a guère qu’à Saint Maure où l’on puisse retrouver sa trace. J’ai
heureusement là-bas quelques amis qui savent où il faut chercher. Mais
qu’importe! J’étais donc chez moi, buvant mon café matinal… D’ailleurs, je
n’en bois pas d’autre depuis que je me suis mis au thé vert; mais il me faut ce
café, un bouillon très noir, de l’Arabica sans lait ni sucre. Sans repas ni
ni friandise. Sans rien. Je n’ai besoin que de ce café versé dans ma
tasse favorite, celle avec des grenades et des feuilles bleues… Enfin, je
buvais mon café méditant des pensées sauvages lorsque je reçu la
visite d’un sinistre personnage. Il n’y a pas de raison pour ne
pas le nommer. Il s’agit de mon voisin, le philosophe
retraîté Bernard Ménard, qui m’attaqua comme
d’habitude avec l’une de ses affreuses
rengaines: “La peur de tomber, mon
cher ami. La peur des tombes. La peur de s’être trompé de
tombe. La peur d’être trompé. La peur des trompes. La peur des
trombes d’eau qui vous emportent du lit, au milieu de la nuit, quand
votre vessie fatiguée transforme vos songes en marécage
où flottent des millions de victimes. La peur qui colle au front, qui s’accroche au
tronc. La peur de votre propre
tronche dans le miroir de la salle de bain. Si vous l’évitez, il y a aussi votre
noir reflet à la surface du café. La peur! la peur
des bombes. La peur des pompes artificielles
qu’on vous met à la place du coeur. La peur des
rondes de voyous
cruels qui vous arrachent vos derniers cheveux, vos
dernières dents, votre dernier espoir. Vous faites une dernière crotte
dans votre pantalon, puis
c’est fini la vie
-Bah! Tout ça, c’est de la peur mort-née, de l’humour
qui n’en est pas, de l’imagination qui pue” dis-je à cet
horrible bonhomme qui ne s’en vexa pas. Il est encore là, derrière
moi, qui ricane tandis que je réfléchis à une façon de le chasser

::: ::: :::

[Image: #121 par Bruno de Fonteblaine par reading_is_dangerous]

vermisseau doré
que porte douce oreille-
lance ton blanc cri

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire