dimanche 22 décembre 2013

A LA RECHERCHE DU SENS PERDU



tu perds de vue le sens du geste
n'importe quel geste, l'action
et comme tu te refuses à agir pour rien
et bien, tu ne fais plus rien !

c'est un piège placé, une fosse
creusée sous le sens de ces petits riens
qui font l’être humain : Si marcher ne 
fait plus de sens, alors tu ne marches plus

cuisiner ne fait plus de sens, alors
tu ne cuisines plus. Aimer
ne fait plus de sens, alors tu n'aimes 
plus. Tu perds aussi la haine

être humain ne fait plus de sens, alors
tu te perds au point de ne plus voir même 
la fosse, le piège
tu deviens ce trou, une absence

absent de toi-même, tu ne sais pas
les cannibales venus te dévorer
ton âme est ailleurs, partie
à la recherche du sens perdu



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Photo : Vu d'en bas







IL SE PASSE DES SEMAINES



il se passe des semaines
j’écris des mots que j'efface
je vais au travail, je dors
finalement, c'est moi que j'efface

on me rend parfois visite
on boit un café, deux cafés
on dit des mots que j'oublie
par chance, j'ignore comment

la chatte sur le canapé, ses doigts
rose et noir et rose et noir
la couleur de ma peau sur ma déprime
noire, quand j'y pense

faire les choses parce qu'on aime à les faire
sans en chercher le sens
peindre ou écrire comme on fait de la musique
sans en chercher le sens

contempler le tableau du monde
lire le café des jours, deux cafés
passer d'une semaine à l'autre, d'un monde
à l'autre, avant que celui-ci ne s'efface




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Photo : Rose et noir et rose et noir



mardi 17 décembre 2013

LA PREMIERE NEIGE DANS LES CREUX


l'hiver venant, les pins
sommeillant au bord de la route
je ne vois plus le monde
tel qu'il me paraissait autrefois

la première neige dans les creux
le froid glissant dans l'ombre
je compte les dimensions : Trois, deux
le plan unique de l'Être

la température de l'air sous le zéro
mon esprit s'étant mis aux chiffres
je contemple une série blanche
l'amour de tout et de rien

c'est décembre qui m'apporte
un présent : Un instant sans limite
je découvre ce rapport mystérieux :
La division de l'Un par le néant

Tout ça est bien froid, me dis-tu
le monde sans la chaleur du monde
Tu as raison, me dis-je
quittant le bord de la route



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Photo : L'hiver venant

lundi 16 décembre 2013

A QUOI PENSENT LES HERBES



on a manqué de se prendre une bagnole
dans la gueule, qui glissait de droite à gauche
venant contre nous, alors, après
sommes descendus voir comment c’était beau

on a manqué de se perdre dans l'herbe encore verte
sous la neige, l'hiver venu si vite
à quoi pensent les herbes
quand vient la tempête ?

on a manqué de se manquer
pensent les herbes, les folles
quand elles montent sur le dos du vent
venant contre nous, alors, après

on a manqué, on a manqué...
on n'a jamais manqué de rien
c'est comme ça qu'on disait autrefois
on n'a jamais manqué de rien !

dans les bois, allons nous promener !
entre les troncs, ce qu'on peut trouver :
L'hiver qui n'est jamais venu
venant contre nous, alors, après



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Photo : La bonne herbe





AU CIEL DES MONDES



viens ! je suis ailleurs
au ciel des mondes, je donne
mes pieds, mais il fait froid
entre mes orteils, l'univers

viens ! je suis ailleurs
au pays des nuages où l'esprit
ne tient qu'à lui-même
une âme, un astre

je t’arrête en avion, tu
ouvres la porte, quel
spectacle : Les monstres s'envolent
laissant derrière eux : Ton sourire

la croissant de ton sourire, la Lune
Venus qui brille en tournant sur elle-même
la danse des mondes orbitant
dans la draperie bleu-issante du temps

viens ! je suis ailleurs
dans la draperie bleu-issante du temps
c'est mon visage qui s'efface
devant l’intérieur de la nuit



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Photo : Sous l'Asie centrale





vendredi 13 décembre 2013

LE MAGICIEN DES AIRS


tu vois : Point de route !
tu dois savoir où aller
comme les choses savent où aller
comme le grain de lumière sait où aller

au pays des nuages, tu dois marcher d'un pied
léger, plus léger que le nuage ou l'air
plus léger que le grain de lumière
le magicien des Airs s'avance léger, léger

traversant le pays des nuées
évitant les trouées s'ouvrant vers le bas
le mage va là où il doit aller
un grain de lumière jamais ne se perd

dans l'esprit du magicien, nul doute
rien ne pesant
rien ne tirant vers le bas
rien, mais cette puissante certitude

le magicien des Airs est le magicien des Airs
il marche sur les nuages quand les nuages mènent
là : Où le mage doit aller
parce que c'est comme ça, tu vois ?



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Photo : Quelque part par là 



mardi 3 décembre 2013

DANS LES AIRS OU RIEN NE COMPTE



journal de voyage : Cher journal
aujourd'hui je pars !
un nuage, une vapeur d'homme
poussé par quelque souffle

dans les airs où rien ne compte
je vais compter les heures
entre ici et là, entre deux terres
le seul passager dans tout l'avion

un seul être dans ce ciel minuscule
mes pensées de crabe humain
Qui pense de travers
Qui écrit des poèmes à pinces

ces lignes pour ne rien attraper
d'autre qu'un mot, un seul
et faire de moi ce mot
pour m'y retrouver, en cas de perte

Quel mot êtes-vous ?
Je ne sais pas !
Montrez-moi votre passeport !
L'ai pas ! Suis crabe ! 



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Photo : Des lignes de sens








samedi 30 novembre 2013

LE TREMBLEMENT DES FEUILLES JAUNIES



le tremblement des feuilles jaunies du peuplier
pendant que mon café du samedi matin
devient le café de l'après-midi
Comme c'est beau !

la guêpe qui me rend visite
ses ellipses, la perfection du vol
Tiens, elle s'en va déjà...
Comme c'est beau !

il reste beaucoup à écrire
pour découvrir enfin, ENFIN !
tout ce qui n'a jamais été dit
même au fin fond de la banalité

entre deux nombres : C'est
une infinité de nombres...
entre deux mots : C'est
une infinité de sens

le comble de la paresse : Jouer
sur les cordes détendues de 
ma guitare désaccordée, sur fond de 
bruissements de feuilles jaunies



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Photo : Vue du balcon



Note technique: Apparemment le iPhone a du mal à peindre en noir la pénombre de derrière un rayon de soleil.










COMMENT CA VA SE TERMINER



chez les Ukrainiennes dans leur resto
je demande toujours du piment frais
vert et long, on ne sait jamais
comment ça va se terminer

celui d'aujourd'hui était vert et long
il commençait doux, finissait brûlant
nous avons bien ri, mon mécano mingrel
et moi : Qui a tout mangé en pleurant

sur la route une simple étape
ce restaurant gris entre deux boues --
le gaspadine Parking, j'ignore pourquoi
ne répond jamais à mes salutations

il est peut-être un prince en exil
incapable de sourire
jaloux du royaume : Le Royaume
des Deux Boues

plus loin: Devant la forteresse de Souram
une dame en bottines orangées
allait quelque part, on ne sait jamais
comment ça va se terminer



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Photo : La forteresse de Souram* (sur la gauche)




(dans sa version originale, encore plus beau - ამბავი სურამის ციხისა)



jeudi 28 novembre 2013

AVEC MES CITRONS



cueillant des citrons
je me tiens en équilibre
au bout de l’échelle
avant l'hiver

devant les cimes enneigées du Caucase
je prendrai demain la route
sur ces chemins, qu'ils sont rares !
les loups

la semaine prochaine, lointaine
j'irai à Douchanbé
on va parler de la tuberculose
en équilibre avec des fous

je voudrais une copie de mon esprit
pour la placer dans le cœur d'un loup
avant l'hiver
...

me voyez-vous avec mes citrons ?
vendant de la limonade à Douchanbé
si je fais de l'argent, je m’achèterai
une copie de mon esprit



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Photo : Mes Bitcoins













mercredi 20 novembre 2013

L'OMBRE DU MUR



pendant la journée c'est un mur de pierres
pendant la nuit c'est un tas de pierres
la transformation se fait entre chien et loup
c'est quelque chose à voir

les pierres du haut du mur tombent d'elles-mêmes
les unes d'un côté du mur
les autres de l'autre côté
c'est très émouvant, cette déconstruction

le mur, dans la journée
c'est parfois mieux qu'un mur : Une citadelle
le tas, la nuit
c'est toujours seulement un tas, un pauvre tas

le mur parle : C'est ma vraie forme, il dit
le tas se tait. S'il peut parler
nul ne le sait. Le mur dit :
Déconstruction n'est que recommencement

le mur dit : Il doit bien se trouver une raison
pour expliquer tout ça, les pierres, etc.
moi je me dis toujours, la seule raison
se trouve à l'ombre : L'ombre du mur



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Photo : Épineuses questions




mardi 19 novembre 2013

LE CHANT DU VIDE



aujourd'hui tu peux tout voir
tout est décrit en mots ou autrement
la mathématique des murs de pierres
la mathématique des tas de pierres

ce que je tiens en moi, mais qui m’échappe
des abstractions que je ne sais pas...
cette impression de n’être pas grand chose
une brève tourmente

une porte vide
la pénombre intérieure d'une maison en ruine
quelques briques sanguines
c'est moi que j'ai vu là

un arbre aux branches dénudées par l'automne
aujourd'hui tu peux tout voir (bravo!)
à l’intérieur de toi et au-delà
le tremblement des feuilles mortes

cette impression de ne pas savoir dire
cela qui a déjà été dit
le chant du vide
ce que je tiens en moi, mais qui m’échappe



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Photo : Vingt ans plus tard







vendredi 15 novembre 2013

J'AI CE QUE J'AI



hier, en allant nager, j'ai décidé de ne pas nager
alors je me suis assis sur un banc
je me suis dit : Tiens, ça fait changement
et j'ai vu que cela était bon

la lumière s'en allait, le soir arrivait
je me suis dit : Tiens, faisons un portrait du chien
elle a un œil bleu, un œil marron
un museau blanc que j'ai coupé au cadrage

je me suis dit : Tiens, une photo ratée
je m'en allais l'effacer, delete
quand j'ai cru voir quelque chose
au-delà d'une imperfection : La perfection

la lumière partie, le soir arrivé
sur la photo ratée, le bout manquant du museau
je me dis: Trop tard pour le rattraper !
et puis, j'ai ce que j'ai

la vieille vendeuse de cacahuètes
d'habitude elle ne dit pas grand chose, mais hier
elle disait: Mangez, buvez, faites la fête !
Tout est faux, le monde est faux*



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Photo: Nayda


* ses propres mots en arménien :
kereq, khmeq, kef areq!
sagh suta, ashkare suta



mercredi 13 novembre 2013

LES PUPILLES COMME DES POINTS A LA LIGNE



une photo prise aujourd'hui dans la cuisine du bureau
je dis à la cuisinière: Je voudrais faire une photo
elle prend un poisson, le positionne devant la caméra (mon téléphone)
je dis: Non, je veux une photo de groupe

tous les poissons du monde: Morts devant moi
j'ignore ce qui reste encore dans leurs yeux
les pupilles comme des points à la ligne
chaque petit être comme une courte phrase ?

je pense tous les jours qu'un jour je ne penserai plus
ce jour-là je vivrai comme un caillou sur la plage
immobile ou presque, indifférent au soleil, aux tempêtes
mais non, un caillou, ça ne vit pas

des fois je me dis que la vie est une question de principe
ce n'est pas la chair qui compte, pas le souffle
pas le poisson dans l'eau, pas le poisson dans la bouche
d'un poisson, ce qui compte, c'est l’élan

cet élan commun aux étoiles et aux créatures
tu brilles ou tu brûles, tu écris peut-être...
sur un bout de papier, un bout d'univers
tu me demandes des nouvelles ?



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Photo: Rougets de vase (barabulka)