jeudi 17 juillet 2008

LE VIOLON DE TES GEMISSEMENTS




Le silence accompagné de raisons, lesquelles se cachent comme des vérités en fuite, fées parties dans la forêt épaisse et sombre, ou qui paraissent à la vue comme des marguerites furtives, entr’aperçues, des femmes aux seins ensoleillés, des fleurs vues, une amie à aimer. Il est un sorcier véritable ; l’univers se plie à ses caprices ou c’est l’inverse : l’univers se plie au moment juste des caprices du sorcier. Il est beau, faiseur de silence, le père et la mère du silence, et des enfants de silence, le fils, la fille.

C’était l’invité d’honneur d’une troupe de silence dont la Générale frappait son cheval d’un fouet de silence, au pays du silence, sur une route de silence. La boue du silence dans la bouche, il mordait des raisons comme des nuages immobiles. Ceux-ci défiaient l’humanité ; le sorcier l’avait silencieusement capricié, cela et d’autres raisons.

Et puis une trompette de joie vint jeter des éclats de feu, non pas que le silence fut triste, mais la nature des trompettes était d’aimer le silence pour le couvrir, comme son enfant la nuit, quand menace le skvaznyak, un courant d’air, un air de fête, une fanfare habile, une marche de victoire, l’armée des défunts, des fidèles tronçonneuses électriques alimentées à l’énergie du cœur, quand le rythme cardiaque va, quand les bras touchent à la Lune, quand les habitants de Mars soudainement s’en vont vers Jupiter, parce qu’ils nous ont vus, et nous sommes laids.

Le frère, je l’appelle pour lui dire que ce disque était à nous, disque lumineux, solaire, de vérité, de silence. Pendant des années il dormait, comme endormi sur la plage, quand les insectes visitent vos oreilles, quand des bourdons sonnent la naissance de l’héritier, quand les singes attachés à des machines à écrire pondent des œufs à dents, quand la cervelle gonflée des ventres des jambes de la forêt des oucalyptos arrête la différentielle du temps, quand le clavier dit non, quand le silence fait mal au dos, quand le sorcier se transporte gratuitement à Tunis pour y chercher le temple, une tête bouclée, un ange de communication, la briseuse du ciel.

J’aimerais boire la dernière goutte, glisser sur le vent, terminer mes chansons, celles du monde, donner à boire à des extraterrestres amicaux, partager ton sommeil, étreindre le silence de tes mains, manger ton dos, partir sur ta langue, devenir le médecin des ventricules du tambour de ta poitrine, décocher la pointe d’argent des flèches de mon âme sur la cible des anti-sourires des aubaines, le vin, rouge, il coule, une rivière de sens. Vous ne m’attraperez plus.

Demain était déjà fait. Je suis allé y voir, silence et tout, devant ta pomme, tombée, le mal, tu l’as goûté, mais restée sur ta faim, mon hexagone dans la caisse, tu disais : « Je suis un tiroir animal, » et puis nous nous sommes couchés dans la litière du silence. Des monstres à sept bras nous portaient dans une chaise à valise, et la contrée disparaissait derrière nous, ces épinettes que nous appelions « sapins », et les notes de musique, ces notes trop lourdes pour que nous les emportions avec nous, et le violon, tu l’aimais.

Ce poulet que tu faisais cuire, trop tard ! Ce mur contre lequel je te poussais, si bien. Tu geignais, oui, oui, oui, et je continuais à fendre du gras, des lèvres bavaient, le matelas heureux chantonnait, j’étais musicien, et toi, ma guitare, ma harpe, je tremblais du bout des doigts pour te toucher, ma mélodie éternelle. L’autre jour, vieux Français, belle Italienne, nous nous sommes retrouvés pour rien. Le grenier nous a craché à la figure. Ton cou criait : You are the one. Ça n’a rien donné, et je suis mort, mort, mort.

Tu appelais ta mère, lorsque a) je finissais la jarre ; b) regardais tes yeux une dernière fois (sachant que c’était la dernière fois) ; c) pleuvais ; d) abandonnais mes études ; e) mitraillais silencieusement le silence. Un Indien d’Amérique se lavait les mains ; le sang de nos ennemis nourrissait les coquelicots du printemps, les pommegrenades de nos songes, le rubis des dieux d’En-Dessous, c’était un tunnel à trois portes que j’explorais. Je brandissais une épée de scie. Dans mon sac, les morceaux de ta plainte pesaient lourds, mais j’étais déterminé à parvenir jusqu’au temple d’Or et de Sucre.

On ne me reverra pas, c’est presque sûr. Le téléphone l’a dit, confirmé, prouvé. Le fil se décroche, il faut faire attention. Le vin s’est tombé dans mon estomac. Son métabolisme ira... La fin des temps est ivrogne. Je ne bois jamais, sauf quand j’ai soif. Vous saurez que j’ai grandi quand je serai devenu la personne que vous êtes. Les lettres elles-mêmes ne peuvent pas empêcher le silence de remporter la partie, après la Chute, quand nous serons tous étendus les uns sur les autres, pour nous aimer sous la terre. Des étoiles vrombissantes, des rayons de désir, des pôles électriques de savoir, des études mystérieuses, des sacs de poèmes, des énervements, des superpositions, des à-genoux, des langues manipulatrices. Je lisais Tolstoï, Le Lac Des Cygnes, et le violon de tes gémissements me promettait les épousailles de nos bonheurs réunis.

Il ne faut pas que j’écrive. Il y a de l’huile à silence. Un moteur à bruit, il irait loin, mais il a peur du sens. Je te fais donc cadeau de mes pas.



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[Image : La voleuse d’amour par reading_is_dangerous ]

6 commentaires:

  1. ..

    vous recommencez..

    ^^

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  2. Le voila revenu Reading le magnifique, celui qui nous fait pleurer et vibrer sous ses mots. Laissons se répandre l'huile à silence elle permet à nos pas de glisser plus loin en direction de la poésie. Je t'embrasse.

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  3. Sur le violon au cou long,
    Au plus près,
    Des rides d'âme,
    Mes dons partent,
    Singulièrement,
    Au son d'un air,
    Tzizagallant l'édifice.

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  4. writing is dangerous ...
    une volée de paragraphes envolés : volés ?
    j'ai lu dangereusement comme autant de fragments de vie : de mort ?
    je m'y suis initié, j'ai laissé à la porte ma vieille, j'embrasse la nouvelle dans un grand éclat de bruit.

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  5. Mystere de mots et de la magie. Bravo!

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  6. Mystere de mots et de la magie. Bravo!

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