dimanche 6 juillet 2008

DANS LA CONNAISSANCE DES MANŒUVRES




Celui nommé Floripain de Poirée traversait le pays des oucalyptos et nananiers. On y vivait à la vieille, des hommes sans poule électrique, sans aspirateuse. Les enfants bavaient des mers ; les dames accouchaient partout, partoute ; on ne pouvait pas écrire autrement qu’en désordre. Il s’était préférable, là, de porter une machette ou de chanter dans l’église, dans l’aube, dans la population rassemblée pour l’entente des nouvelles neuves, lesquelles, on les écrivait à l’avance, parce que c’étaient toujours les semblables aux nouvelles de la veille.

On construisait de terre des petites maisons, cela en prévision des mariages prévus de l’année. Au pays des oucalyptos et des nananiers, les ampoules n’avaient pas d’aspiratouses ; les enfants crachaient des meules ; les femmes donnaient des vers. Celui nommé Floripain de Poirée voyageait.

Il désirait ce qu’on savait, les manœuvres, ainsi cela qu’on avait oublié, les priorités, et ce qu’on avait jamais su, des jeux mystérieux, des questions de trafics entre les atomes. Il voulait entrer périodiquement chez qui n’attendait pas habituellement de visiteur, et chez qui n’en attendait plus. Le jour suivant celui du loyer, après qu’on a payé, celui nommé Floripain de Poirée espérait de se servir librement de la pensée d’autrui, tel un picoreur.

Il vendait des garnitures d’habits, de toits, de babouins ; des garnitures d’eau, de dérives, de malchance ; des garnitures de romans, de portraits. Il excellait au charbon, il était décentralisateur diplômé, cotonnier, bibliographe, confectionneur de paniers d’osier... Il parlait de la guimbarde : on dansait partout, partoute au rythme des rebonds improvisés de celui nommé Floripain de Poirée.

Il mélangeait tout : la poussière de la route, les loueuses d’une nuit, ses craintes, des bouteilles, des repas légers, des emails sauvés (mais jamais envoyés) et des tableaux de photographies qu’il examinait pendant des années, à la loupe, au microscope, pour y découvrir des personnages soigneusement assis ou couchés. Des types qui renvoyaient leur cœur, des vierges en robe blanche, des bouches qui mordaient des fleurs, des yeux qui pleuraient du plomb… Des lunes éclairaient la voie de celui nommé Floripain de Poirée, la nuit.

Une géante lui raconta l’histoire suivante : Une bille accoucha d’un aborton, lequel fut enroulé dans une couverture avant qu’on le dépose à la morgue ; plus tard une veuve vint à cet endroit pour soigner la dépouille de son défunté mari ; la veuve prit la couverture enroulée sans deviner l’objet qu’on y avait caché, pour en faire l’oreiller qu’elle plaça sous la nuque de son époux ; or la bille « mère » s’était entre-temps échappée de sa chambre, et elle disparut ; on cru donc qu’elle s’était enfuie en emportant le corps de l’enfant, lequel fut retrouvé au cimetière quand on allait enterrer le mari de l’autre. « La mort en riant reprit finalement ses proies, » dit la raconteuse, mais celui nommé Floripain de Poirée coucha la géante sur son lit, et puis il se passa une grande chose ; au pays des oucalyptos et des nananiers, quand on y vivait encore à la vieille, dans la connaissance des manœuvres, dans l’oubli des priorités, sous l’éclairage des lunes, cette nuit-là.



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[Image : Bananiers de respiration par reading_is_dangerous]

7 commentaires:

  1. Génialement bon et très desordonément bien écrit_
    Comme on en voit peu est cette originale histoire * * *

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  2. J'ai aimé cette nouvelle stratoféerienne...

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  3. Il s'en passe des petites et des grandes choses dans ce beau texte plein d'émotions. Tu es comme une éponge dont coule une riche eau. Je t'embrasse.

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  4. Mister RYD, je vous soupçonne de regarder le monde à travers votre troisème oeil-de-verre.

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  5. Au pays des oucalyptos, Floripain de Poirée sous la lune.
    Sous le charme de la lune raconteuse, une géante lune.

    Je me demande si votre pélerinage au Rwanda inclus un petit bonjour aux gorilles de la Fondation Fossey.

    C'est un de mes plus grand rêves sous la lune...

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  6. Un silence...assourdissant. Je t'embrasse.

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