lundi 28 mai 2007

UNE FLEUR AU CENTRE DE L’UNIVERS


L’
énorme, l’
excellent chercheur de trésors Richard Artwater affirmait qu’il n’était en
fait qu’un détective spécialisé dans la recherche des objets perdus
. . .un miroir déformant ici ou un atome d’or par là
Parfois une tête ou une forêt

avant de disparaître, il eut une fille qu’il baptisa BLANCHE en l’
honneur de son ami Simon Forgetting ou Simon Blanc
C’est vrai, cet homme avait deux noms
Il faudra que je vous raconte son histoire
Quoi qu’il en soit, aujourd’
hui Forgetting et Blanche explorent un pays de montagnes rouges
expérant de découvrir la trace du disparu

sous un ciel bleu
Non loin d’un lac lui aussi bleu
Ils virent des myosotis
“Ne m’oublie pas.” dit Simon Blanc
Comme d’habitude, la fillette ne dit rien puisqu’elle faisait la muette
Une blanche muette sur un cheval blanc
Lequel arracha au sol quelques fleurs
Le sol. . .
Le sol !
Le soleil au centre d’une fleur
Une fleur au centre de l’Univers
Une preuve d’amour. . .
Qui sait?

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[Image: Forget-me-nots par reading_is_dangerous] (25 mai 2007)

jeudi 24 mai 2007

LA SEPTIEME DIMENSION


considerez les trois axes de l’espace
x, y, et z

puis les trois axes du temps
1. d’hier à demain
2. les séries alternatives (ici c’est pile, là-bas c’est face)
3. l’éternité, celle de l’indestructible moment présent

voilà donc six dimensions. “Il en faut pourtant
huit,” dit Simon Forgetting

il s’est levé aujourd’hui
La petite Blanche prenait déjà sa douche
Simon Blanc prit un stylo pour écrire

“La révélation que j’espérais est enfin venue. Je
crois avoir découvert la nature de la septième dimension. Il
s’agit d’un axe d’existence

autrement dit, en tel ou tel point de l’
éternité d’
un certain monde à un certain moment, en un certain endroit, une
particule voire un être en entier peut exister ou
non.”

Simon Forgetting frappa la dernière phrase d’un point
Le cheval
blanc broutait non loin de là

“Eh! Blanche!” cria Simon. “Il faudra bientôt partir!”
Mais la fillette resta muette
Elle avait juré de ne dire mot
Tant qu’allait durer la quête pour retrouver son père perdu

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[Image: Soie de scénario par reading_is_dangerous]

. . .2/1

mardi 22 mai 2007

SOUS UN SOLEIL BLANC


sous un soleil blanc
sur une pente rougeâtre et rocailleuse, un
barbu poivre et sel de quarante ans se penche pour
ramasser une chose à moitié écrasée et
blanche de poussière

se relevant, le barbu dit: “Il y a deux
sortes d’hommes: les uns à qui on ne peut rien arracher, pas même
une mauvaise dent ; les autres qui ne peuvent rien conserver, pas même
leur dernier sous-vêtement.”

à côté du barbu
sur un cheval blanc
il y a une fillette blonde qui ne dit mot
Elle est vêtue de blanc
Elle porte un chapeau blanc
Elle reste muette ; son silence suffit amplement

Le barbu lui montre l’objet écrasé. C’est un
téléphone mobile
Il dit: “Ma petite Blanche, ton
père n’a rien pu garder très longtemps avec lui.
Ni rien
Ni personne
Ni même sa propre personne.
Mais toi et moi, nous allons l’aider. . .
Malgré lui, puisqu’il le faut.”


. . . . . . . . .

KARMIR SAR
montagne rouge

. . . . . . . . .


“On dirait qu’on est en train d’écrire un scénario.” dit le barbu. La
petite Blanche fait “oui” de la tête. “Oui,” dit l’homme. “T’es pas tout à fait débile comme l’est
ton pauvre papa.”

Tous trois passent ensuite de l’autre côté de la pente rocailleuse
le cheval blanc
la fillette Blanche
le barbu poivre et sel. Il s’appele Simon Blanc ou Simon Forgetting (sans blague)
Avant que
de disparaître, il
jette un coup d’oeil derrière lui. Il n’y a personne

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[Image: Les montagnes rouges par reading_is_dangerous] (14 mai 2007)

lundi 21 mai 2007

LES PLAISIRS DE L’ATTENTE



on voit souvent ces gens qui
attendent cependant que les traits de leur visage trahissent une
impatience affolée. Leurs
regards piquent d’une méchanceté envieuse celui ou celle qui n’attend
plus, qui n’a jamais attendu de sa vie (peut-être pas)

je dis que j’aime attendre. Que la vie est faite pour ça: pour attendre un peu plus ou un peu moins

quand j’attends on ne me demande pas ce que je fais puisque c’est visible
Je suis donc tranquille quand j’attends. J’attends paisiblement

en général il n’y a pas besoin de
payer pour attendre
sauf au téléphone, si on est con
Il y en a beaucoup des cons qui attendent en con, mais moi?

quand j’attends dans la rue, je prends du soleil. Il y a parfois un
oiseau à voir ou son oeuf ou un ver inquiet ou
une jolie fille ou
un kidnapping

c’est parfois le souvenir d’un rêve presque effacé que je retrouve lorsque j’attends
Une pensée originale qui rampe vers moi
Une vieille blague qui me revient lentement en mémoire
Un ami oublié auquel je pense sans me presser

j’attends en découvrant le sourire jaune d’un bouton d’or
j’attends en redécouvrant le magnétisme d’un ciel blanc ou d’un plafond bas
j’attends en examinant le mystère d’un sol sans fourmis ou la saleté feinte d’un plancher
j’attends qu’un pauvre cafard immobile sur son dos soit mort de faim (pour lui l’attente certes est cruelle)

j’attends. L’horizon m’offre une aventure, mais je la refuse puisque j’attends
Une ombre traîne dans mon oeil, mais je fais semblant de ne pas la voir puisque j’attends
C’est
un
soldat améromain qui songe à sa solde
C’est
une
jeune mère qui n’a plus rien à perdre, qui se prépare à frapper mortellement son
ennemi. Elle n’attendra pas bien longtemps

quant à moi, je vais attendre encore un peu

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[Image: Les plaisirs de l’attente par reading_is_dangerous]

mercredi 16 mai 2007

L’ECRASEUR DE POUX


venez ici que je vous cogne dessus
venez ici, parce que mes faibles jambes. . .
venez ici que je vous cogne dessus avec des mots
avec des mots, parce que mes faibles poings. . .

mes faibles poings de beurre faits
de faible volonté
de faible chair
de faible squelette (en passant saviez-vous que boire du
lait est mauvais pour les os? C’est une question de magnesium)

mes faibles poings ont du mal à frapper
même en rêve, ils hésitent tous deux
mes poings sont mous
mes poings n’ont pas de coeur
mes poings n’ont pas de poing

quand j’écris, j’ai aussi du mal à me servir des points
bien sûr que points et poings n’ont rien à voir
ça n’empêche pas! Point de
points à la fin de mes phrases et point de
poings à l’extrémité de mes bras

me voici donc: Mauvais poète, homme sans points ni poings

venez donc ici sans crainte puisque je ne peux pas vous cogner dessus
Je ne peux pas
Je ne peux pas

ne pas pouvoir ou ne pas voir de pou. Un
pou peut ne pas voir qu’il pleut des poings sur la tête qu’il habite

le pou s’en fout des poings
le pou s’en fout des poings
le pou s’en fout que le poète ayant écrit sans point se prenne des coups de poings

pou parasite
pou mou
pou mou comme mes poings
pou mou comme poumons
poumons pourris
pourriture
pourrais-tu
peux-tu
viens donc! viens donc ici que je te cogne dessus, eh! Pourriture!
Que je te cogne dessus de mes poings mous, espèce de pou! Que je t’écrase du bout du pouce!

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[Image: L’écraseur de poux par reading_is_dangerous]

LE SABOTEUR


c’est d’abord son propre ouvrage qu’on sabote puis
celui de ses consoeurs et confrères. Difficile de
saboter ce qu’on ne connaît guère

le pire est de saboter l’amour puisque cela revient à saboter la vie
La sienne et celle des autres
La vie des êtres précédents et celle des êtres qui pourraient suivre

tant qu’à saboter la vie aussi bien y
aller franchement. Tenez je vous efface le visage à l’exception d’un oeil que je reprends pour
en faire rapidement une mauvaise bouche
une mauvaise dent
une moitié de cavité si possible
une faim qui n’a pas vraiment faim
un cri sans bruit

bref en sabotant l’amour c’est tout l’univers qu’on insulte

mais voici la bonne nouvelle: Impossible de saboter pour de vrai puisque le
parfait saboteur sabote son propre ouvrage
or lorsqu’il s’agit de saboter, le saboteur sabote incontournablement son propre sabotage

l’Univers, croyez-moi, c’est bien fait
C’est donc à l’épreuve du sabotage absolu
Ce qui n’empêche pas qu’on puisse se permettre des petits sabotages de rien du tout
Construire un pont atteint de vertige
Refaire la décoration en décorant comme c’était décoré avant de redécorer
Elever des races de chiens qui mordent la main qu’on leur laisse

le saboteur de mots
la saboteuse de mots
ces gens-là empilent des mots les uns sur les autres en des phrases rapides et
sabotées de sens, mais ça ne fait rien! car
tel le mécanicien ayant oublié qu’il a saboté le remplacement des plaquettes
de freins de sa propre automobile
le
le saboteur des mots
la
la saboteuse des mots
un jour revient sans comprendre et meurt

. . .dans la solitude et sans amour

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[Image: Sabotage par reading_is_dangerous]

mardi 15 mai 2007

IL FAUT AU PLUS VITE INVENTER AUTRE CHOSE


ils construisent des ruines qui servent à la méditation sans laquelle, disent-ils, l’
être humain ne se distingue guère du nuage poussé par le vent. “Il faut
s’asseoir à l’intérieur de soi,” expliquent-ils encore, “et attendre qu’
une voix s’approche: la sienne propre. C’est une jolie chose à entendre.”

ailleurs les peuples n’existent plus. Il reste des populations
Chez les populations on ne construit plus rien que le temps puisse transformer en
ruine pour la méditation, ce qui
fait que les populations ne méditent plus qu’avec la plus grande difficulté
D’autant que les automobiles font qu’on ne quitte guère la route, et qu’
on multiplie les occasions de chasser le silence dont dépend l’apparition de la
voix, la sienne propre
Autrement dit, chez les populations il y a trop de bruit, on ne s’entend plus

c’est pourquoi je pense que la démocratie s’écroule
la stupidité meurtrière de l’actuel président des gnagnagna le prouve
on sait que ses tromperies ont causé la mort de plus d’un million de personnes mais
il ne se passe rien. Il ne se passe rien

la médecine sait aujourd’hui reconnaître la plupart des maladies individuelles
Il reste à inventer la médecine du corps social qui saurait établir le diagnostic des
maladies de nos sociétés ; il faudrait que ces socio-médecins sachent soigner le
monde autrement qu’en pratiquant périodiquement les grosses saignées (je
veux dire les
guerres modernes)

la démocratie, ça fonctionnait peut-être du temps où on avait pas la télévision
pour nous interdire de faire la révolution ; maintenant, il faut au plus vite inventer autre
chose
Au plus vite : avant que son arc ne s’écrase. L'arc de quoi? Je ne dis pas que ce que j'écris ici
soit parfaitement clair. . . non! C’est vite écrit
C’est bien vite écrit. . .

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[Image: Les ruines de l’église de P. par reading_is_dangerous] (14 mai 2007)

dimanche 13 mai 2007

LE VIEIL EXTRATERRESTRE QUI VOULAIT UN RESUME


un vieil extraterrestre qui passait par ici me
demanda de lui résumer ce que l’humanité avait à dire

“Un résumé?!” dis-je, étonné

“Tout ce que les êtres humains ont dit. Tout ce qu’ils disent encore et tout ce qu’
ils diront d’ici la fin. Je veux un résumé de tout cela.” dit le vieil extraterrestre

“. . .mais comment faire?” demandai-je

“C’est facile.” dit mon honorable visiteur. “Voici un computer d’écoute. Il suffit d’
appuyer sur ces quelques boutons dans tel ou tel ordre (allez-y je vous fais confiance) et
le computer d’écoute va nous réduire cela à deux ou trois mots. . .”

“Mais pourquoi ne pas le faire vous-même?” demandai-je impoliment

“Il faut une main humaine pour que ça marche,” expliqua l’extraterrestre, “cela en raison du
périmètre de tension qui maintient une subtile barrière entre l’intérieur et l’extérieur d’
une espèce pensante. . .”

bon, moi, je fis ce qu’il voulait. Le computer d’écoute fonctionna pendant quelques instants puis
afficha
un résumé qui ne comptait finalement qu’un seul mot: “Maman.”
Le vieil extraterrestre poussa un grand rire puis s’en alla

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[Image:
Le vieil extraterrestre par reading_is_dangerous]

samedi 12 mai 2007

LA VIE EST PLEINE DE SENS


chers amis,

nous sommes à la plage et tout va bien. La désertude des lieux nous
amuse beaucoup
Il suffit ici d’une chanson pour meubler le temps sinon nous écoutons la vague

Jacqueline est partie sur son voillier
Il ne reste que Manon, Pierrette et moi
Un ballon hier est arrivé
Plus tard nous le lancerons aux requins
aux perroquets
aux crabes
C’est vrai que nous n’avons plus de pieds, mais
nous gardons espoir
Qui sait ce que l’instant suivant nous apportera

voilà! Ce soir nous irons peut-être à la
discothèque, question de faire semblant d’ignorer que nos mollets ne vont nulle part

question de faire semblant de toutes
nos forces

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[Image: La vie est pleine de sens par reading_is_dangerous]

vendredi 11 mai 2007

LA PENSEE DES CRYSTAUX


un ami m’annonce qu’il partira bientôt au Mexique pour le
tournage d’un film documentaire sur des crystaux géants aux pensées
géantes qui nous écrasent de leurs pieds géants, mais
comme nous sommes devenus un peu insensibles. . .on
ne ressent aucun mal. “Bonne chance! Mais ces crystaux seront encore
là dans cent ans,” dis-je impertinemment

Pourquoi ne pas tourner plutôt un film sur les crystaux en voie de
disparition au Tibet, en Iraq, au Soudan ou en Palestine? “Certes, mais on ne
peut pas tout faire.” dit mon ami. Puis
il y a d’autres raisons toutes bonnes. Il y a aussi la disparition des
abeilles

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[Image: La pensée des crystaux par reading_is_dangerous]

mercredi 9 mai 2007

LES DOIGTS PARLENT


il peint des concerts de doigts
Des doigts qui font la guerre
Des doigts qui posent nus
Des doigts qui disent que l’espace et le temps, on a compris
“On sait ça sert à quoi.” disent les doigts

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[Image: Les doigts sautent de tous côtés par reading_is_dangerous]

samedi 5 mai 2007

LES NEUF BILLES


Ils ont chacun neuf visages. Une affaire conclue avec lun de leurs neuf aspects n’engage que lui. On peut se disputer avec une face mais rester franchement ami avec les huit autres. Cette situation explique la rareté des ruptures définitives entre deux personnes et la complexité des mariages et des divorces lesquels nécessitent quatre-vingts et une cérémonies ou procédures de séparation. En ville, une journée suffit pour un mariage ordinaire tandis qu’à la campagne, il faut une saison entière. Dans les préfectures éloignées de l’Ouest du pays, les fiançailles durent des années.

Le mécanisme du changement des traits demeure énigmatique. Une majorité de gens passent aisément d’une forme à l’autre mais il y a des transformations involontaires et des têtes qui en dominent dautres. Une certaine apparence peut surgir automatiquement, par exemple à l’approche d’une jument malade ou d’une vedette de la télévision. Les acteurs de cinéma, les comédiens, les clowns, les personnages politiques, les prostitués, les membres du clergé doivent maîtriser parfaitement le changement de leur semblance.

Dieu a neuf faciès. Leur Christ a neuf couleurs. L’Esprit Saint compte neuf contenances. En multipliant la sainte Trinité par neuf on obtient vingt-sept figures: c’est une foule de masques pour une divinité de type solitaire. A ce sujet, des théologiens à neuf fronts ont composé des ouvrages interminables et qui se contredisent au sein des chapitres, des paragraphes et même des phrases où l’on rencontre parfois neuf tournures distinctes. Chaque prêtre a neuf dispositions. Chaque pape a neuf maintiens. Quand un argument devient trop chaud, les croyants n’ont rien que leurs deux mains pour se cacher les neuf fioles. Cela fait ricaner les athées qui font semblant d’être tout seul avec leurs neuf tronches. Les mystiques gardent mystérieusement leurs neuf dehors à «l'intérieur».

Touchantes sont les scènes familiales lorsque bébé apprend à connaître les neuf bobines de papa, les neuf binettes de maman. Tous les enfants ne dévoilent pas spontanément leurs neuf frimousses. Il y en a qui ont du mal à se faire reconnaître de leurs parents, à la plage ou à la piscine voire à la sortie des écoles depuis que les gamins s’habillent tous chez Machin Cool.

Les professeurs ont neuf profils. Cela donne au moins neuf expressions à leur enseignement. C’est vrai qu’ils doivent tout répéter neuf fois pour l’éducation des neuf bouilles de chaque étudiant, mais comme celles-ci n’affichent pas le bout de leur nez d’une façon organisée il faut reprendre mille fois chaque leçon. Une classe de vingt individus fait déjà cent quatre-vingts élèves qui ne sont d’ailleurs pas toujours attentifs. Certains pratiquent l’art difficile de la caricature, difficile car on trouve bien sûr neuf poires sur un prof... Ceux des écoliers qui ne sont pas physionomistes préfèrent souvent se foutre des baffes sur la trogne. Ils ont chacun neuf pommes ; les marques et blessures passent facilement inaperçus.

A moins d’une malchance inouïe, personne ne se voit jamais complètement défiguré. Un accident leur arrachant le minois épargne les huit autres. Dans le pire des cas, la curiosité peut égratigner trois ou quatre museaux apparus au mauvais moment, mais il y a toujours une pauvre gueule qui prend tout, se sacrifiant pour les autres.

On ne voit guère de laids ou de laides. Au gouvernement on affiche généralement sa plus belle margoulette sauf du côté des petits fonctionnaires, chez les commis caissiers et les policiers qui affichent naturellement la plus moche de leurs mines. Sur la monnaie, en guise d’effigie du Prince on plaçait anciennement ses neuf conformations les unes à la suite des autres. Aujourd’hui, on frappe plutôt neuf pièces, et on imprime des billets de $1, $3, $4, $6, $9, $12, $15, etc. décorés chacun de l’une des neuf images des grandes personnalités de ce peuple étonnant.

Ils aiment jouer à la balle. Leur jeu favori, la hure, se joue à neuf contre neuf avec une boule hérissée de pointes qu’on se lance les uns aux autres en suivant des règles qui changent en fonction de la hure mise en jeu par l’arbitre, d’après le résultat d’un tirage au sort repris aux neuf minutes. Il y a neuf sortes de hure: la trompette, la trombine, le mufle, le mascaron, la fraise, la pêche, la patate, l’ovale et l’attitude. Moi qui vient de l’extérieur, j’ai toujours du mal à m’y habituer.

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[Image: Les Neuf Billes par reading_is_dangerous]

jeudi 3 mai 2007

LES DINOSAURES


s’il est vrai que l’
Univers soit en expansion, alors
chaque instant fait de moi un
être plus énorme que je ne l’étais à l’
instant précédent

il n’existe bien sûr aucune façon de
comparer un instant à l’autre, mais je peux
imaginer que les gigantesques dinosaures n’étaient pas plus grands qu’
une souris d’aujourd’hui et encore. . .
Au fil des millénaires, leurs squelettes se fossilisant ont pris du volume
simultanément que notre planète
laquelle ne devait pas autrefois dépasser la taille des petits pois de ma salade

le temps n’est qu’une mesure de l’espace déployé. Il nous semble que
le temps passe mais c’est une illusion-
le temps n’avance pas-
le temps ne va nulle part. Je me souviens d’
hier non pas parce que j’y étais, mais parce qu’en cet
instant précis existe en moi une chaîne d’atomes qui signifie une série de
jours et de nuits

il faut demander à l’un de ces atomes ce qu’il sait du temps. “Pas
grand chose,” répond l’atome, “sinon que j’ai moi aussi cette fausse et surprenante
impression d’
être encore . Je suis une
marque, une borne, un repère, une pierre dans l’édifice.” continue l’atome. “Sans
moi, l’Univers perd la mémoire, laquelle n’est qu’un chemin. Sans moi, nous
perdons notre route.”

ils sont des trillions de trillions de trillions de trillions de trillions ces atomes, tous
convaincus de leur essentielle importance et également
convaincus de leur indécrottable individualité

je ne vois pas trop qu’ils se trompent au premier sujet, car si
rien ne se perd et rien ne se crée, il faut donc que l’Univers soit parfait. On
ne peut rien lui retirer, rien lui ajouter. Dans
ce cas, comme je le disais ailleurs, cet univers, on ne peut pas le couper en morceaux.
On ne peut pas le couper en deux

or ce qu’on ne peut pas couper en deux est
élémentaire. L’
Univers y compris les séries de mondes parallèles ne forment qu’
un seul et unique corps infiniment plié et déplié

ainsi le temps n’est que l’illusion qui accompagne nécessairement la conscience tandis
qu’elle éclaire ces innombrables et grandissants plis et replis
Parlons de fractales, si vous en avez envie

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[Image: Les dinosaures par reading_is_dangerous]

mercredi 2 mai 2007

LA GRANDE DEESSE


Pour tuer Dieu, il faut détruire l’imagination. On peut clouer un dieu incarné. On peut en rire. On peut l’effacer de façon philosophique, proclamer qu’il est mort, le diluer, le chercher sous la table en faisant mine de ne pas savoir le trouver. On peut le redessiner, le cacher derrière une montagne pornographique. On peut faire tout cela et davantage, mais Dieu s’obstine et reste accroché au cerveau de l’homme imaginatif qui le retrouve dans ses griffonnages et gribouillis.

Je vois Dieu dans ma soupe. Il traîne encore dans le pâté de lapin, disait l’autre. Il est là qui me sourit depuis les lèvres d’un masque. Si vous désirez à tout prix que Dieu s’en aille, il faudra interdire la production de masques africains. Interdire le théâtre. Interdire aux enfants la gouache et les crayons de couleur.

Dieu revient. On ne peut le chasser. Il est en nous ; il suffit de poser une tête de serpent sur le corps d’une femme pour retrouver cette grande déesse lunaire et entendre à nouveau son chant de résurrection.

Dieu ou déesse, cela m’est égal. Qu’il existe ou non, qu’elle surgisse de la terre ou non, que l’univers entier soit ou non divin, que mon corps lui appartienne ou non... Je ne pourrai jamais le chasser de mon imaginaire. C’est pourquoi je le répète: Pour tuer Dieu, il faut tuer l’imaginaire, bourrer l’humanité de produits anti-imaginaires, agrandir la surface des écrans de télévision, réduire le champs de l’expression humaine : enlever des mots... réglementer l’usage de certaines couleurs, déshabituer l’oreille aux sons situés entre le zéro et le un, faire de nos sociétés des petites choses mesquines écrasées par des millions de lois ridicules... Il faut rayer, brûler de la carte tout ce qui refuse de se taire.

D’ailleurs on ne trompe jamais en tuant des masses et des masses de gens, et comme les ours polaires, les éléphants, les dauphins ont eux aussi de l’imagination, il faudrait bien sûr les faire disparaître ou les enfermer au zoo, en faire des choses offertes au regard, de sorte que d’une bête splendide, on fasse une décoration avant que ne vienne le jour de balayer tout ça.

Au bout du bout du bout de ce projet, je vois qu’on ne pourra rien tolérer d’autre que des cailloux inertes et dispercés.

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[Image: La Grande Déesse par reading_is_dangerous]

POUR LES HIBOUX S’IL EN RESTE


que reste-t-il de notre amitié? Pas grand chose, il me semble
que reste-t-il de mes projets de roman? Pas grand chose, des bouts de papier
que reste-t-il de nos soirées passées à vider des bouteilles? Pas grand chose, mais la santé

que reste-t-il de mes économies? Pas grand chose, mais j’ai pas de dettes
que reste-t-il de mon curriculum vitae? Pas grand chose, mais c’est ma faute
que reste-t-il de mes trésors à vendre? Pas grand chose, j’ai tout donné

que reste-t-il. . .
que reste-t-il. . .
que reste-t-il de mes questions? Quelques réponses oubliées

que reste-t-il pour demain? Pas grand chose, beaucoup de liberté
quelques craintes inutiles qu’il me reste à jeter
quelques ambitions néfastes
quelques espoirs ridicules
quelques idées fixes à dévisser

des poèmes à écrire à condition que je puisse encore trouver les mots
des histoires à raconter de nuit aux hiboux s’il en reste
des anecdotes
des anecdotes
des anecdotes
puis je voulais te dire: Le 24 avril dernier, il neigeait encore

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[Image: Le 24 avril dernier par reading_is_dangerous]

mardi 1 mai 2007

IL FAUT PORTER DU ROUGE


un jour, une année durant il portera du rouge, que du rouge

on verra bien ce qui arrivera ensuite
Des couleurs tombées du ciel, horribles
Des ombres venues à sa rencontre

Des vers munis de bombes
Des cadavres
à mitraillettes
Des baignoires remplies d'horloges sonnant le glas
Des singes pour lui enseigner la politesse

Des jardins debouts, remplis d’épines empoisonn
ées
Des verres de limonades armés
Des assassins cachés dans la poussière
Des monuments écrasants
Des coups de feu à la recherche du temps perdu
Un soleil lanceur de couteaux

Une barbe étouffante
Un atome doré pour le prendre
à la gorge
Une grande douleur entre les
épaules

il est enfant quand une vieille table lui prédit l
arrivée d'un malheur
“Tu auras vingt ans quand il te trouvera.” dit la table. Il

attendit. Il attendit. Apparemment le malheur se perdit en chemin
Pauvre malheur
C’est pourquoi il faut porter du rouge

Pour qu’il aperçoive enfin sa cible, le malheur