mercredi 15 août 2007

LA BECASSINE SOLITAIRE


une bécassine solitaire passe dans la nuit
Survolant Fang Ta, la capitale du verdoyant Yen Lome Lome
Sa petite tête d’oiseau réfléchit en ces mots:


“la lumière d’en bas est un outrage à la lumière d’en haut.”
Les feux de la ville
Gênent en effet la pauvre bête qui tente de suivre le chemin des étoiles


… (à suivre)

::: ::: :::

[Image: Élan oscillatoire et autres mystères par reading_is_dangerous]

Je quitte la ville pour aller à la plage, au Lac Sevan, où je passerai deux semaines. JE PROMETS à mes fidèles lecteurs que je reprendrai le fil du récit commencé plus tôt.

Portez-vous bien!

jeudi 9 août 2007

LE DAUPHIN CHINOIS


nous élevons des cochons bleus dont la
Chair fond dans la bouche
C’est très agréable en soupe ou autrement

des caramels
Du sang
De l’or ! Beaucoup, beaucoup d’or !

nous élevons donc des cochons bleus dont la
Chair fond dans la
Bouche, c’est très agréable ; on dirait une soie de
Caramel

au sauna, un panier
Avec vos amis

pour discuter des grands problèmes de l’Afrique
« Sa géographie, personne ne l’a connaît. »
« Prenez un morceau de porc bleu, vous m’en direz des… »
« Ah ! ah ! »

il ne faut pas avoir peur de le dire, notre
Maîtrise dépasse
De
Beaucoup la

la, la, les prouesses de la nature elle-même
Tenez, l’autre jour, on disait que le dauphin chinois, c’est fini !
« Ils sont tous morts. »
« Vraiment ? »
« Oui, mais ça faisait vingt ans qu’on en parlait. »

l’humanité ne voit que des objets, là où n’existent que des rapports entre
Les objets

le porc bleu, ça
Ne veut rien dire aujourd’hui

mais demain
Tenez, moi, par exemple, je
Je
Je n’arrive déjà plus à écrire normalement

« c’est votre porc bleu. À force de… »
« Mais non, ça n’a rien à voir. »
« Pourtant, c’est bien ce que vous disiez. »
« Non, je ne disais rien. »
« Et votre récit? Ce Bertrang-Marting, cette Sanna ? »

j’y reviens. J’y reviens, mais
J’avais grand besoin de pouvoir transporter ici tous ces bouts de
Phrases inutiles qui m’encombraient l’
Esprit

l’esprit !
Ah !
Porc bleu de mes deux ! Oui !

« Le dauphin chinois est mort. »
« Bestiole inutile. »
« Ne pleurez pas. »
« On inventera autre chose qui sera plus costaud, mais bien fondant. »

Bien fondant !

::: ::: :::

[Image : Les tentacules tentent une nouvelle tentative par reading_is_dangerous]

mardi 7 août 2007

PETIT POEME EN ATTENDANT PANGO


viens ici que je te ronge
En attendant de terminer le prochain épisode de [...]

viens donc ici que je te
Ronge le cou

la tête tombe !
Mais tes ailes s’ouvrent enfin

« il y a du vent. »
« Tais-toi ! ta tête n’est plus là. »

si je savais écrire comme Gabriel Garcia Marquez, je
Pourrais peindre en mots, à la gouache de mots

le ciel immense sur le visage de ma mère
L’océan terrible sur le dos de mon père
Des bandes de petits lapins pour signifier mes frères

je
JE !
JE DONNERAIS à mes
Paysages des prénoms historiques. « Voici Tante Avion, » dirais-je, mine
De rien
« Elle fait de bons biscuits. »
« Je me cache sous la table. »
« Nous rentrons à la maison. »
« Attention aux conducteurs fous. »

quand
quand
quand j’étais petit, je me demandais à quoi servaient tous ces [...] aperçus au bord de la route

quand
quand
quand j’étais petit, je montais souvent sur ma chaise, à l’école, pour mordre le plafond

mon enfance est passée ; c’était une grande rivière
Pleine de poissons noyés

en
en
enfin, je voulais parler du collisionneur à mots
C’est ma nouvelle invention, eh ! eh !

je place ici un ‘oui’
je place ici un ‘non’ ou n’importe quel autre mot
j’appuie sur ce bouton
la machine va maintenant lancer ces deux mots l’un contre l’autre

à quelle vitesse ?
à la vitesse de la pensée, monsieur !

le résultat, on le saura bientôt
Je vous le répète : On lance un ‘oui’
Contre un ‘non’

comme ça, on verra bien
Ce qui se trouve à l’intérieur des mots, mais qu’on ne peut pas voir autrement
Par exemple, en se servant seulement d’un couteau

le collisionneur à mots
Souvenez-vous en, vous en entendrez parler bientôt

::: ::: :::

[Image : L’ancêtre du temps par reading_is_dangerous]

vendredi 3 août 2007

QUAND SANNA TOMBE


la jolie Sanna tombe du balcon de sa chambre de jeune fille, et
Survit inexplicablement à une chute de trente mètres, mais il
Semble impossible de la tirer du profond coma qui s’en suit

l’accident survient de nuit, tandis que
Tout le monde dort sauf l’oncle de Sanna, Eibho, qui
Termine une chronique pour un journal exotérique, Le Cercle Vivant

« …déplorable époque que la nôtre, » écrit l’oncle, « qui
Détourne les mots ou détruit leur sens. Depuis qu’elle a du mal à
Décrire son quotidien, notre génération souffre d’une disette d’idées. »

« en outre, des dispositions privatives accordent l’usage exclusif de certaines
Formules à des personnes particulières ou au monde des affaires, ce qui
Force au silence bien des dissidences d’opinions. »

« la réalité se tient désormais à l’arrière-plan, pendant que
Devant elle on dresse le décor spectaculaire des
Discours fallacieux, mais qui nous hypnotisent. »

ayant écrit ces mots, oncle Eibho pose son stylo
Il croit entendre le hennissement d’un cheval, mais le son donne l’
Impression de venir d’en haut

or, la chambre du chroniqueur se situe au neuvième étage d’une
Demeure qui en compte dix ; au
Dixième habitent les parents de Sanna, son frère et ses deux sœurs

l’oncle accuse la faim de lui jouer un mauvais tour
Il faut dire qu’il ne mange qu’une fois par jour,
Invariablement un bol de soupe

l’oncle décide de prendre son repas
D’autant que s’il ne le prenait pas, quelqu’un
D’autre, dans cette grande maison, lui volerait demain sa part

car on a toujours faim dans cette famille dont le patriarche, qui est le
Père de la mère de Sanna, ne tolère
Pas qu’on dépense librement pour de la nourriture

« malefaim bonifie » répète le vieillard
Dès qu’on suggère qu’une révision du budget familial serait peut-être
Désirable

le vieux, Diorite de son prénom, est un
Ancien édile de Fang Ta, la capitale lomelomaise ; chargé des
Approvisionnements, on le connaissait pour sa rigueur inébranlable

oncle Eibho n’est pour le vieux Diorite qu’un frère du mari
De sa fille, la lucide Sylva, mère de Sanna
D’autre part l’ancien édile déteste les journalistes

mais revenons à notre histoire ! Lorsque le chroniqueur affamé
Quitte sa table de travail pour prendre son repas, il entend un cri
Qui lui déchausse presque les dents

regardant par sa fenêtre, il aperçoit sa nièce qui tombe
« DIABLE ! Sanna ! » dit l’oncle, qui s’élance ensuite
Dans les escaliers

lorsqu’il arrive en bas
Toute la maisonnée est déjà réveillée, et
Toutefois elle ne sait pas pourquoi

oncle Eibho seul sait, encore qu’il refuse
De croire à ce que ses yeux ont vu jusqu’à ce qu’il
Découvre dans la rue le corps apparemment inanimé de Sanna

« mon Dieu ! Sanna ! » dit l’oncle, qui se jette ensuite
Aux pieds de sa nièce qu’il a la veille portée lui-même jusqu’
À son lit de jeune fille ; nous l’avons raconté plus tôt

mais Sanna, bien qu’inconsciente, n’est pas morte
Du sang : il n’y en a pas
Des blessures : oncle Eibho n’en voit pas

on dirait même que la victime ne s’est pas brisé un os
Le chroniqueur porte une main tremblante vers
Le visage de sa nièce. . .

« miracle ! Elle vit ! » dit l’oncle qui sent le souffle
De Sanna sur le
Dos de sa main

oncle Eibho prend la jeune femme dans ses bras
Il veut immédiatement la transporter de nouveau jusqu’à sa chambre
Il va le faire lui-même, et tant pis s’il n’y a pas d’ascenseur !

mais à ce moment, il est entouré par
Des contremaîtres, des lainières (les gens de la famille de Sylva)
Des cousins et des cousines... Tout le monde est là, même le vieux Diorite !

« qu’est-ce que cet oiseau fait ici ? » se demande l’oncle Eibho
Qui vient d’apercevoir un volatile au long bec
Qui se tenait immobile à ses côtés, mais qui s’envole à l’arrivée de la foule

« le journaliste ! » dit le vieux Diorite, « Que fait-il avec Sanna
Dans ses bras, au milieu de la nuit,
Dans la rue ? »

oncle Eibho, qui n’a toujours pas mangé, qui vient de descendre neuf
Étages à la course, et qui croyait que sa nièce
Était morte, mais qui l’a trouvée vivante… le brave Eibho manque de s’évanouir

« elle est tombée. » dit le chroniqueur
« Diantre ! Tombée ? » dit l’ancien édile
« Diantre ! Tombée ? » répètent en cœur les contremaîtres, les lainières

« elle est tombée du balcon. » dit le chroniqueur
« Dans ce cas, est-elle morte ? » demande l’ancien édile
« Est-elle morte ? » demande le cœur des contremaîtres, des lainières

« Je crois que non. » dit le chroniqueur
« Diablerie que tout ça ! » dit l’ancien édile
« Diablerie ! » répète le cœur des contremaîtres, des lainières

oncle Eibho porte sa nièce inconsciente jusqu’au quatrième étage
Le frère de Sanna, Kanzhi, la porte jusqu’au septième
Leur père, le doux Mozhi, porte sa fille jusque dans son lit

l’oiseau au long bec, entré mystérieusement dans la chambre, se pose
Dans la main gauche de Sanna qui ouvre alors les yeux pour
Dire : « Broyer du vent. » avant de plonger dans un profond coma



(à suivre)


lisez le premier épisode de ce récit!


::: ::: :::

[Image : Quand Sanna tombe par reading_is_dangerous]