la jolie Sanna tombe du balcon de sa chambre de jeune fille, et
Survit inexplicablement à une chute de trente mètres, mais il
Semble impossible de la tirer du profond coma qui s’en suit
l’accident survient de nuit, tandis que
Tout le monde dort sauf l’oncle de Sanna, Eibho, qui
Termine une chronique pour un journal exotérique,
Le Cercle Vivant« …déplorable époque que la nôtre, » écrit l’oncle, « qui
Détourne les mots ou détruit leur sens. Depuis qu’elle a du mal à
Décrire son quotidien, notre génération souffre d’une disette d’idées. »
« en outre, des dispositions privatives accordent l’usage exclusif de certaines
Formules à des personnes particulières ou au monde des affaires, ce qui
Force au silence bien des dissidences d’opinions. »
« la réalité se tient désormais à l’arrière-plan, pendant que
Devant elle on dresse le décor spectaculaire des
Discours fallacieux, mais qui nous hypnotisent. »
ayant écrit ces mots, oncle Eibho pose son stylo
Il croit entendre le hennissement d’un cheval, mais le son donne l’
Impression de venir d’
en haut or, la chambre du chroniqueur se situe au neuvième étage d’une
Demeure qui en compte dix ; au
Dixième habitent les parents de Sanna, son frère et ses deux sœurs
l’oncle accuse la faim de lui jouer un mauvais tour
Il faut dire qu’il ne mange qu’une fois par jour,
Invariablement un bol de soupe
l’oncle décide de prendre son repas
D’autant que s’il ne le prenait pas, quelqu’un
D’autre, dans cette grande maison, lui volerait demain sa part
car on a toujours faim dans cette famille dont le patriarche, qui est le
Père de la mère de Sanna, ne tolère
Pas qu’on dépense librement pour de la nourriture
« malefaim bonifie » répète le vieillard
Dès qu’on suggère qu’une révision du budget familial serait peut-être
Désirable
le vieux, Diorite de son prénom, est un
Ancien édile de Fang Ta, la capitale lomelomaise ; chargé des
Approvisionnements, on le connaissait pour sa rigueur inébranlable
oncle Eibho n’est pour le vieux Diorite qu’un frère du mari
De sa fille, la lucide Sylva, mère de Sanna
D’autre part l’ancien édile déteste les journalistes
mais revenons à notre histoire ! Lorsque le chroniqueur affamé
Quitte sa table de travail pour prendre son repas, il entend un cri
Qui lui déchausse presque les dents
regardant par sa fenêtre, il aperçoit sa nièce qui tombe
« DIABLE ! Sanna ! » dit l’oncle, qui s’élance ensuite
Dans les escaliers
lorsqu’il arrive en bas
Toute la maisonnée est déjà réveillée, et
Toutefois elle ne sait pas pourquoi
oncle Eibho seul sait, encore qu’il refuse
De croire à ce que ses yeux ont vu jusqu’à ce qu’il
Découvre dans la rue le corps apparemment inanimé de Sanna
« mon Dieu ! Sanna ! » dit l’oncle, qui se jette ensuite
Aux pieds de sa nièce qu’il a la veille portée lui-même jusqu’
À son lit de jeune fille ; nous l’avons raconté
plus tôt
mais Sanna, bien qu’inconsciente, n’est pas morte
Du sang : il n’y en a pas
Des blessures : oncle Eibho n’en voit pas
on dirait même que la victime ne s’est pas brisé un os
Le chroniqueur porte une main tremblante vers
Le visage de sa nièce. . .
« miracle ! Elle vit ! » dit l’oncle qui sent le souffle
De Sanna sur le
Dos de sa main
oncle Eibho prend la jeune femme dans ses bras
Il veut immédiatement la transporter de nouveau jusqu’à sa chambre
Il va le faire lui-même, et tant pis s’il n’y a pas d’ascenseur !
mais à ce moment, il est entouré par
Des contremaîtres, des lainières (les gens de la famille de Sylva)
Des cousins et des cousines... Tout le monde est là, même le vieux Diorite !
« qu’est-ce que cet oiseau fait ici ? » se demande l’oncle Eibho
Qui vient d’apercevoir un volatile au long bec
Qui se tenait immobile à ses côtés, mais qui s’envole à l’arrivée de la foule
« le journaliste ! » dit le vieux Diorite, « Que fait-il avec Sanna
Dans ses bras, au milieu de la nuit,
Dans la rue ? »
oncle Eibho, qui n’a toujours pas mangé, qui vient de descendre neuf
Étages à la course, et qui croyait que sa nièce
Était morte, mais qui l’a trouvée vivante… le brave Eibho manque de s’évanouir
« elle est tombée. » dit le chroniqueur
« Diantre ! Tombée ? » dit l’ancien édile
« Diantre ! Tombée ? » répètent en cœur les contremaîtres, les lainières
« elle est tombée du balcon. » dit le chroniqueur
« Dans ce cas, est-elle morte ? » demande l’ancien édile
« Est-elle morte ? » demande le cœur des contremaîtres, des lainières
« Je crois que non. » dit le chroniqueur
« Diablerie que tout ça ! » dit l’ancien édile
« Diablerie ! » répète le cœur des contremaîtres, des lainières
oncle Eibho porte sa nièce inconsciente jusqu’au quatrième étage
Le frère de Sanna, Kanzhi, la porte jusqu’au septième
Leur père, le doux Mozhi, porte sa fille jusque dans son lit
l’oiseau au long bec, entré mystérieusement dans la chambre, se pose
Dans la main gauche de Sanna qui ouvre alors les yeux pour
Dire : « Broyer du vent. » avant de plonger dans un profond coma
(à suivre)
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[Image :
Quand Sanna tombe par reading_is_dangerous]