mardi 18 mars 2008

JOUETS, SAVATE, LICHEN, INVITATION


Des fers chauds. Des mauvais jouets. Des flétrissures pour l’épaule ou l’intérieur du nez. La boule de mon âme espérait pourtant un amusement paisible.

Je jouais donc avec mes doigts, jetant ces serviteurs les uns à la poursuite des autres. Ils bondissaient comme des cerfs. Ils bondissaient comme des chiens. Ils se poursuivaient méthodiquement quand deux d’entre eux—les cerfs—se brisèrent les os en glissant sur la marqueterie.

La douleur m’envahit. Une sorte de gourmandise implantée me poussa bientôt à me casser trois autres doigts. Au bout de la douleur, je découvris un surhomme. C’était un moine. Il était couché. Il se tournait de côté et d’autre en roulant une vie très différente de la mienne. Ce qui demeurait chez moi de l’ardeur n’était plus chez lui que les sursauts d’un organisme abandonné au délabrement et à la ruine.

Le moine portait des lunettes noires ; dans ses oreilles, des bouchons. Ses poumons lambinaient, mais la faim semblait toujours le talonner. Le moine avala un canard laqué, et puis il m’expliqua que la nourriture descend dans l’estomac… Depuis l’intestin, la nourriture-canard passe candidement au sang, lequel monte à la tête—où ça tourne—avant de redescendre dans l’étrier. « L’imagination est cette monture qui vous emporte vers l’horizon de la pensée, » dit le moine.

Nous pensons ce que nous mangeons.

Je n’aime pas trop la moinerie, alors je me suis coupé les doigts qui restaient, façon de m’assurer de ne jamais revoir mon surhomme. Boucherie ! Avec la tranche d’une feuille de papier, j’ai tout coupé.

J’écris maintenant avec les dents—des pensées de savate, des pensées de lichen, des combinaisons pour rester en vie. J’écris aussi des notes, des commentaires spécialisés, des hypothèses folles sur l’avenir ou l’origine des salades. La partie la plus technique aboutit sur une page dont l’accès est réservé. Ecrivez-moi si vous aimeriez que je vous invite. Mon adresse, vous la connaissez. J’ai dit technique. Je ne rigole pas.

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[Image : Quand mon canard aura une brosse à dent par reading_is_dangerous]

11 commentaires:

  1. Bonne soirée.

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  2. Un canard qui se brosse les dents pour avoir une haleine fraiche. C'est une bonne idée.

    "Coin-coin"

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  3. Je serais vraiment intéressée par tes hypothèses folles et scientifiques sur la salade. Pour les canards je ne connais que les canards WC.(ce que cela peut être mauvais comme astuce!) Il est temps que je me repose. Si tu as une idée scientifique et folle pour que je puisse un peu débrancher ma machine (j'ai dit un peu...), là aussi je suis preneur. Et aussi pour que tu explicite ton dernier commentaire sur ma note l'amour de l'autre. Il me turlupine.

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  4. ARCHEOGRAPHIE

    Tapirs ou opossums
    Ecrivent sans les dents
    Juste avec le bout de la langue
    Qui tapisse d'agents de saveur
    Les fourmis rouges
    Qu'ils arrosent de fluide vert
    Semence acrobate
    Dont les ébats funambules
    Slaloment sur les mers de corail
    Qui flottent sur la plaine

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  5. Ce n’est pas un texte facile... j'ai remonté de tes profondeurs les mots qui hantent les miennes depuis :

    "Fers chauds et flétrissures
    Bondissaient comme chiens et cerfs.
    Gourmandise implantée
    Au bout de la douleur,
    Organisme abandonné
    L’imagination est cette monture

    Nous pensons ce que nous mangeons
    J’écris maintenant avec les dents
    Je ne rigole pas."

    Très sérieusement,
    Mijo

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  6. L'aînée des fers chauds n'avait pas dit son dernier mot.
    Elle attrape le moine au vol, en pleine méditation, par le col.
    " - Dis-moi ton nom moinillon, moinuscule, avant que je n'abatte sur toi ma férule!
    - On me nomme Ompluh, fit le moine lévitant à rebours vers le pavé de la cour.
    - Et bien, moine Ompluh, qu'attends-tu des offrandes qui pourrissent à tes pieds ? Vois ces doigts coupés, ravagés, cette mine exhangue, ce gâchis de feuillets noircis des plus noirs mésespoirs! Qu'en feras-tu, dis-le!
    - ...
    - Tu ne dis mot ? Consens donc à souffrir le martyr que je t'offre. Ouvre ce coffre."
    Le moine s'exécute. Sa dépouille rejoint alors celles, mêlées, d'autres enrubanés, prétendants malheureux à d'improbables cieux.

    Sur le coffre, un dessin, sorte d'idéogramme, représente un canard conduisant un carosse, sur un chemin bordé d'un lit de flammes atroces.

    L'aînée repart avec, bien calé sous son bec.

    Une nuée fugace passe au ciel.
    Elle n'en a pas cure et poursuit son chemin, dans son regard, rien d'assassin.

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  7. Dans la profondeur des mots de l’œil du moine Ompluh,
    des fourmis rouges dévoraient un oppossum.

    Un canard qui passait par là émis un triste
    « Coin-coin, bonne soirée ! »

    C’est comme ça. Il ne faut pas que ça vous turlupine.
    Je dis ça très sérieusement.

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  8. CINEMA AFRICAIN

    Dans les turlupinades amusées
    Des légions congolaises
    S'éveillent des sourcils atrophiés
    Comme autant de fourmis vertes
    Pilés à l'ammoniaque de combat
    Pour édulcorer la saveur des moignons
    Dans les décoctions délabrées
    Dont la germination laisse augurer
    L'apparition tanzanienne
    Des cataplasmes en technicolor

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  9. Formidables à lire vos commentaires : GMC, Tiniak le niak, et cher r_i_d.

    Yeah !!!!!!!!!!

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  10. "Nous pensons ce
    que nous mangeons."

    Moi,je bois tes paroles quand je les lis.

    Puis j'ai l'appeau du ventre bien fendu...Merci Mister RID

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  11. Je ne suis plus turlupinée mais je ne peux plus m'asseoir...

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