= désordre en Arménie =
3
(édition revue et corrigée)
Les rassemblements grandissent sur la place de l’Opéra. La pelouse des cafés de la place en pâtit, mais ces établissements resteront fermés jusqu’au retour du printemps.
Aujourd’hui, il faisait un peu soleil. J’en ai profité pour aller voir la foule des contestataires dont le chef, l’ancien président de l'Arménie Levon Ter Petrossian, critiquait l’hypocrisie flagrante de la mission de l’OSCE qui défend toujours la validité des élections.
La place était noire de monde. On mangeait beaucoup des graines de tournesol, on fumait beaucoup des cigarettes, dans le calme et dans la bonne humeur. L’alcool est interdit. Il y a des femmes, des jolies filles, des adolescents, des vieillards nombreux. Je ne dirais pas que l’atmosphère est familiale, mais les ralliements sont moins sinistres qu’au début quand on voyait surtout des hommes aux visages fermés, en manteaux noirs, et pas rasés.
Cet après-midi, le nombre des policiers qui surveillent la foule a doublé passant de dix ou quinze à vingt ou trente. Un photographe aurait été aggressé par un officier qui serait en fait une brute connue, un sbire du pouvoir, lequel dépend finalement, ici comme ailleurs, de ce genre d’homme pour imposer sa volonté qu’il fait passer sous le couvert de la loi.
Mercredi soir, trente mille personnes dansaient en compagnie de Levon et des membres de sa famille dont la présence visible démentait la rumeur de leur départ à l’étranger. On jouait et rejouait un remix techno à l’arménienne qui reprend le cri de bataille préféré de la foule : Baïkar! Baïkar! Mintchev vertch! Traduction : « Lutte ! Lutte ! Jusqu’à la fin ! »
Je suis allé aussi revoir les soldats aperçus l’autre jour, ceux qui gardent le parlement, à mille mètres de l’Opéra. Un ami connaît une femme dont le fils fait parti de ce groupe de conscrits. Elle lui aurait dit que les soldats ne reçoivent à manger rien d’autre qu’un beignet par jour, avec un demi-litre de lait. Je suis arrivé quand les soldats partaient à bord des vieux autocars civils que j’avais déjà vus. Leurs gaz m’ont presque empoisonné, mais c’est un spectacle émouvant que donnent ces machines déglinguées quand elles se mettent en route.
Un directeur du World Security Institute a déclaré que l’Occident (les U.S.A, le Royaume-Uni, la France?) n’était pas à l’origine de la contestation comme ce fut le cas, dirait-on, en Géorgie ou en Ukraine. Cet expert affirme que « l’Arménie n’est pas une priorité pour Washington » [1]. Tant mieux ! Les Russes semblent opposés à l’opposition, mais pas trop. La diplomatie européenne donne l’impression d’ignorer ce qui se passe. Les journalistes étrangers paraissent peu nombreux. Deux, trois, quatre, pas plus, mais ai-je bien regardé ?
L’employée d'un fameux quotidien montréalais semblait intéressée par ce que je pouvais écrire au sujet de ce qui ce passe ici, mais notre conversation s’est terminée dès que je lui ai demandé combien on me payerait les 700 mots qu’elle espérait. Alors j’écris pour vous et moi, et c’est très bien ainsi.
____________
Note : La place de l’Opéra se nomme vraiment la « Place de la Liberté ».
[1] "Western countries not going to carry out ‘orange revolution’ in Armenia" --PanArmenia.net, à partir d'un reportage publié par l'agence de presse "Trend Azeri"
Aujourd’hui, il faisait un peu soleil. J’en ai profité pour aller voir la foule des contestataires dont le chef, l’ancien président de l'Arménie Levon Ter Petrossian, critiquait l’hypocrisie flagrante de la mission de l’OSCE qui défend toujours la validité des élections.
La place était noire de monde. On mangeait beaucoup des graines de tournesol, on fumait beaucoup des cigarettes, dans le calme et dans la bonne humeur. L’alcool est interdit. Il y a des femmes, des jolies filles, des adolescents, des vieillards nombreux. Je ne dirais pas que l’atmosphère est familiale, mais les ralliements sont moins sinistres qu’au début quand on voyait surtout des hommes aux visages fermés, en manteaux noirs, et pas rasés.
Cet après-midi, le nombre des policiers qui surveillent la foule a doublé passant de dix ou quinze à vingt ou trente. Un photographe aurait été aggressé par un officier qui serait en fait une brute connue, un sbire du pouvoir, lequel dépend finalement, ici comme ailleurs, de ce genre d’homme pour imposer sa volonté qu’il fait passer sous le couvert de la loi.
Mercredi soir, trente mille personnes dansaient en compagnie de Levon et des membres de sa famille dont la présence visible démentait la rumeur de leur départ à l’étranger. On jouait et rejouait un remix techno à l’arménienne qui reprend le cri de bataille préféré de la foule : Baïkar! Baïkar! Mintchev vertch! Traduction : « Lutte ! Lutte ! Jusqu’à la fin ! »
Je suis allé aussi revoir les soldats aperçus l’autre jour, ceux qui gardent le parlement, à mille mètres de l’Opéra. Un ami connaît une femme dont le fils fait parti de ce groupe de conscrits. Elle lui aurait dit que les soldats ne reçoivent à manger rien d’autre qu’un beignet par jour, avec un demi-litre de lait. Je suis arrivé quand les soldats partaient à bord des vieux autocars civils que j’avais déjà vus. Leurs gaz m’ont presque empoisonné, mais c’est un spectacle émouvant que donnent ces machines déglinguées quand elles se mettent en route.
Un directeur du World Security Institute a déclaré que l’Occident (les U.S.A, le Royaume-Uni, la France?) n’était pas à l’origine de la contestation comme ce fut le cas, dirait-on, en Géorgie ou en Ukraine. Cet expert affirme que « l’Arménie n’est pas une priorité pour Washington » [1]. Tant mieux ! Les Russes semblent opposés à l’opposition, mais pas trop. La diplomatie européenne donne l’impression d’ignorer ce qui se passe. Les journalistes étrangers paraissent peu nombreux. Deux, trois, quatre, pas plus, mais ai-je bien regardé ?
L’employée d'un fameux quotidien montréalais semblait intéressée par ce que je pouvais écrire au sujet de ce qui ce passe ici, mais notre conversation s’est terminée dès que je lui ai demandé combien on me payerait les 700 mots qu’elle espérait. Alors j’écris pour vous et moi, et c’est très bien ainsi.
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Note : La place de l’Opéra se nomme vraiment la « Place de la Liberté ».
[1] "Western countries not going to carry out ‘orange revolution’ in Armenia" --PanArmenia.net, à partir d'un reportage publié par l'agence de presse "Trend Azeri"
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[Image: Le journaliste amateur par reading_is_dangerous]