= désordre en Arménie =
Samedi soir, je passais à pied devant le parlement dont la garde est confiée à des soldats plus nombreux que d’habitude, depuis que l’Opposition conteste le résultat des élections présidentielles de la semaine dernière. Les soldats se reposaient à bord de vieux autocars civils, garés en face du parc qui est situé à côté du parlement. Des conscrits revenaient des buissons.
Le commandement devrait faire creuser des latrines ou faire installer des toilettes portatives s’il ne veut pas risquer de subir les effets d’une baisse du moral des troupes (l’indignation des citadins ordinaires ne compte pas.)
Dimanche, je suis retourné voir les manifestants qui se rassemblent chaque jour sur la place de l’Opéra. Ils étaient quinze mille en fin d’après-midi, mais la plus grande partie de la foule était partie pour défiler devant les bureaux du gouvernement. On grignotait... et je songeai qu’on pourrait baptiser la crise d’après l’appellation populaire, en russe, de cette semence dont le peuple raffole ; on dirait la révolution des Semitchki, c’est-à-dire : la révolution des Graines de tournesol. Et moi, j’écrierais : Place de l’Opéra, les moineaux affamés par l’hiver envient sans doute cette masse humaine qui goûte à volonté de cet aliment parfait : la graine du tournesol.
La télévision locale fait semblant d’ignorer les événements. Samedi, il y avait cinquante mille personnes devant l’Opéra, mais le bulletin de nouvelles annonça la présence de « quelques personnes » avant de s’intéresser à un banal accident de la circulation. La désinformation, c’est drôle !
Dimanche, les rumeurs se sont multipliées : LE PRÉSIDENT ÉLU aurait fait appel à des soldats issus de sa région, le Karabakh ; LE PRÉSIDENT SORTANT serait rentré de Moscou avec des soldats d’élite prêtés par les Russes ; LES GARDES DU CORPS du chef de campagne du principal parti d’opposition seraient disparus après leur arrestation par des policiers ; L’OPPOSITION demandera d’ici peu à la Cour constitutionnelle l’annulation pure et simple des élections contestées ; UN PROCUREUR GÉNÉRAL, des généraux, des diplomates, des fonctionnaires de haut rang : une trentaine de personnages importants aurait rejoint le camp de l’opposition.
« Il y aura certes du grabuge, mais la victoire est certaine ! » prévoit-on dans les meilleurs milieux. La victoire de qui ? La victoire de quoi ? Idéalement il s’agirait de la victoire du compromis, mais il semble que c’est la seule voie rejetée par les partis en lutte autant que par leurs supporteurs.
L’autre soir, quand je rentrais chez moi, ils étaient deux officiers qui discutaient. « Les gens ne sont plus humains, » dit l’un d’eux. La suite m’échappa, mais on me suggéra ensuite cette parole fameuse, en guise de réplique : « Un siècle cruel, un cœur cruel. »
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[Image : Faire des pieds et des mains par reading_is_dangerous]
Brouillamini : Corruption de bol d’Arménie et de brouiller. sm. Sorte d’emplâtre pour les chevaux préparé avec le bol d’Arménie. ◊ Fig. Désordre, brouillement, confusion. Il y a là dedans trop de brouillamini, Molière. – D’après le Petit Littré
Quoi de plus normal que
RépondreSupprimerl'armée fasse desordre(s).
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerTélégramme : Vie un peu difficile en ce moment. Juste venue sur ton texte et vu aussi que tu mets en valeur d'anciens textes. Super dessin, pas encore lu. vais revenir.Reviens le plus vite possible pour visiter ton harem onirique et profiter de tes mots...
RépondreSupprimerPardonner mon français pauvre, comment s'approprier, le mot sera ressurected sur Pâques.
RépondreSupprimerhttp://wallacereid.blogspot.com/