après le décès d’Adrien Létamorphe, victime d’une opposition au
Cœur, la veuve Sanna, âgée seulement de vingt-quatre ans, liquide
Carrément sa succession
cela comprend un bel appartement dans le quartier appelé ledos, plus une
Collection de voitures luxueuses vendues à leur juste valeur, et une antique
Clepsydre cédée à un gros détective
ce qui profite le plus, c’est la vente de l’entreprise d’exportation
De peaux de figues et d’autres expansions dont le commerce avait été
Développé par le père Létamorphe, le vieux Normangues
celui-ci avait débuté modestement par le négoce de bouts de ceci et de
Pousses de cela qui procuraient des visions fantasmagoriques, « qui
Permettent à l’homme de s’espionner lui-même » expliquait le vieux
c’est lui qui fait l’acquisition de l’antique clepsydre qu’il rapporte
Nerveusement suite à sa rencontre avec un mystique anonyme que
Normangues Létamorphe surnomme le « Chat de Chasse »
« cette horloge à l’eau me fut offerte par un chat de chasse. » racontait le
Vieux aux rares personnes à qui il montrait la chose gardée sous une cloche
Ventrue, de crystal, et posée sur un pied de feldspath
il ne regardait jamais la machine sans frissonner, sans que des tâches
Bleuâtres apparaissent sur son
Blanc visage (quelques heures suffisaient heureusement pour les effacer)
Sanna est contente de se débarrasser de l’inquiétante antiquité
Disons qu’elle avait aimé le vieux Normangues, mais pas sa vieille horloge
Dont le goutte à goutte entendu une seule fois l’a littéralement dégoûté
huit jours après la disparition de son mari, la veuve reçoit la
Carte de visite d’un certain Richard Artwater, détective
C’est un gros homme qui se déclare intéressé par la clepsydre
il dit que le vieux Normangues lui a montré l’horloge
Précieuse quand il était petit
« Papa était ami du père de votre défunt époux. » explique Artwater
la veuve demande une certaine somme en zollaros
Le détective lui en propose le double en or indétectable
L’affaire est vite conclue
l’or indétectable est idéal lorsqu’on voyage ou
Qu’on déménage d’un pays à un autre comme c’est le cas de Sanna
Qui quitte Kang Lo (la capitale zhaïlandaise) avec ce métal glissé sous la peau
elle prend l’aérotram électrique et survole en silence
Plusieurs territoires sauvages
Parmi lesquels le désert Instrumental
elle arrive à Fong Ta, la capitale du verdoyant Yen Lome Lome où l’
Accueille toute sa famille : son père, sa mère, un frère et deux sœurs
Ainsi qu’une bande d’oncles et de tantes, de cousins et de cousines
« ma pauvre fille, te voilà veuve. » dit Mozhi, le père de Sanna qui
Est chef fontenier à la retraîte. C’
Est un homme doux et insaisissable, mais généreux
« ma pauvre fille, te voilà riche. » dit Sylva, la mère de Sanna qui
Est une lainière encore active. C’
Est une femme lucide, mais avare
« ma pauvre Sanna, te voilà revenue. » dit Kanzhi, son frère qui
Est simple relayeur. C’
Est un garçon intelligent, et un joueur habile aux cartes
« notre pauvre sœur, te voilà réalisée. » disent Pizza et Fizzy qui
Sont sœurs jumelles, soeurs de Sanna. Toutes deux
Sont à moitié folles, mais talentueuses figuristes
nous ne présentons pas ici le reste de la famille car
Cela nous obligerait à ajouter trop de noms à
Cette liste déjà longue des personnages de notre récit
disons seulement que du côté du père, on travaille honnêtement
Comme effaneurs, à part Oncle Eibho qui est
Chroniqueur spécial pour un journal exotérique, Le Cercle Vivant
du côté de la mère, on est traditionnellement contremaître, sauf les femmes
Qui sont toutes lainières et avares comme Sylva, et
Qui n’obéissent qu’à leur patriache qui fut autrefois édile de Fong Ta
tout ce monde sauf l’ancien édile est venu à l’aéroport
Ceux-ci par sentiment
Ceux-là par ambition, sachant que la jeune veuve a de l’argent
or, le voyage en aérotram fatigue les nerfs, cela en raison
Des nombreux risques : les avions pirates, les
Déserteurs de l’Infanterie des Airs, les monstrueux corsets volants
à l’arrivée
Il y a aussi la pénible attente pour la récupération des bagages
Il y a aussi l’interrogatoire mené par d’intuitifs douaniers
ce n’est donc pas surprenant, avec toutes ses gens (les lainières surtout)
Qui se pressent vers elle,
Que la voyageuse épuisée perde connaissance
on enmène d’urgence l’évanouie à la demeure familiale
Haute de trente mètres, et comptant dix étages ; au dernier se trouve,
Hélas ! sa chambre de jeune fille ; il n’y a pas d’ascenseur
le doux Mozhi porte sa fille inconsciente jusqu’au troisième étage
Puis, c’est le frère, Kanzhi, qui porte sa sœur jusqu’au septième
Puis, c’est l’oncle, Eibho, qui porte sa nièce jusqu’au dixième
on laisse l’évanouie dans son lit
Aux soins de Pizza et Fizzy qui s’endorment néanmoins
Aux douze coups de minuit
dans la nuit, Sanna ouvre les yeux. Sait-
Elle où elle est ? Elle se lève et va jusqu’au balcon d’où
Elle tombe sans qu’on sache pourquoi, dix étages, mais sans se tuer
le choc qui suit la chute plonge la jolie veuve dans un coma
Qui dure depuis un an, jour pour jour, quand Bertrang-Marting
Qui veut l’épouser, mais qu’on a assommé, ouvre les yeux (nous l’avons dit plus tôt)
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[Image : Coma par reading_is_dangerous]
Adrien Létamorphe !
Adrien Létamorphe est mort
Opposition au cœur
Opposition au cœur l’a tué
Adrien Létamorphe !
Ta veuve, la jolie Sanna
A vingt-quatre ans, s’en va pour s’amuser
Ta veuve, on voudra l’épouser
Adrien Létamorphe !
Adrien Létamorphe est mort
Opposition au cœur
Opposition au cœur l’a tué
(fragment d’une plainte chantée par la vieille Archelle, une voisine du défunt)