Comment parler de ce qu’on ne peut pas dire sinon qu’en l’écrivant, si les mots s’y prêtent, ou en dessinant, si les lignes veulent bien se laisser faire.
Je suis né du côté d’une falaise, doté seulement d’un œil, et de la moitié du corps. Une moitié à moi se trouve donc ailleurs, mais je n’en saurai sans doute jamais plus, car je ne vais nulle part et personne ne vient jamais ici, sauf un cheval tortue, une bête parlante. Elle me disait hier, « J’aime le calme sain de la glace. » Pourquoi il lui fallait une carapace, je l’ignore.
Le passé lui sort de la tête. Ça lui fait une excroissance rougeâtre qui va grisonnant, une crête qui redescent parfois en perles de gras, un collier mou, un joug façon sable mouvant. La vérité elle-même pourrait s’enfoncer dans cette vase, avec le mensonge, des petits mensonges agités, stupides, qui ne méritent pas d’être sauvés.
« Trente ans durant, tiens en esprit ce que ta main ne peut tenir, » dit le cheval tortue. Lui n’a pas de main ; je suppose que c’est pour ça qu’il en parle. Je lui raconte ce rêve :
Des hommes-machines s’attaquaient aux voyageurs. Une nuit, l’un de leurs complices humains, un esclave vêtu en policier, cet homme nous fit signe à un ami et à moi, pour que nous nous arrêtions, et puis, prétextant qu’il fallait examiner notre voiture, le faux flic nous mena vers un endroit sinistre où les hommes-machines démontaient des véhicules pour en récupérer les pièces essentielles à leur physionomie, à leur métabolisme. Parmi ces monstres, il devait s’en trouver quelques-uns qui cherchaient une moitié manquante…
Les êtres de métal nous ignoraient, mon ami et moi, tandis qu’ils réduisaient notre automobile en morceaux. Je vis leur chef ; il portait une couronne d’acier. Son regard absolument inexpressif me plongea dans un profond désespoir, et je songeai qu’un jour et dans l’indifférence, l’humanité sera dépossèdée d’elle-même par le dernier cauchemar qu’elle aura enfanté.
« Le nuage a peur de la pluie, » dit le cheval tortue. « Moi, je ne rêve qu’à des poissons-pommes. »
Je suis né du côté d’une falaise, doté seulement d’un œil, et de la moitié du corps. Une moitié à moi se trouve donc ailleurs, mais je n’en saurai sans doute jamais plus, car je ne vais nulle part et personne ne vient jamais ici, sauf un cheval tortue, une bête parlante. Elle me disait hier, « J’aime le calme sain de la glace. » Pourquoi il lui fallait une carapace, je l’ignore.
Le passé lui sort de la tête. Ça lui fait une excroissance rougeâtre qui va grisonnant, une crête qui redescent parfois en perles de gras, un collier mou, un joug façon sable mouvant. La vérité elle-même pourrait s’enfoncer dans cette vase, avec le mensonge, des petits mensonges agités, stupides, qui ne méritent pas d’être sauvés.
« Trente ans durant, tiens en esprit ce que ta main ne peut tenir, » dit le cheval tortue. Lui n’a pas de main ; je suppose que c’est pour ça qu’il en parle. Je lui raconte ce rêve :
Des hommes-machines s’attaquaient aux voyageurs. Une nuit, l’un de leurs complices humains, un esclave vêtu en policier, cet homme nous fit signe à un ami et à moi, pour que nous nous arrêtions, et puis, prétextant qu’il fallait examiner notre voiture, le faux flic nous mena vers un endroit sinistre où les hommes-machines démontaient des véhicules pour en récupérer les pièces essentielles à leur physionomie, à leur métabolisme. Parmi ces monstres, il devait s’en trouver quelques-uns qui cherchaient une moitié manquante…
Les êtres de métal nous ignoraient, mon ami et moi, tandis qu’ils réduisaient notre automobile en morceaux. Je vis leur chef ; il portait une couronne d’acier. Son regard absolument inexpressif me plongea dans un profond désespoir, et je songeai qu’un jour et dans l’indifférence, l’humanité sera dépossèdée d’elle-même par le dernier cauchemar qu’elle aura enfanté.
« Le nuage a peur de la pluie, » dit le cheval tortue. « Moi, je ne rêve qu’à des poissons-pommes. »
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[Image : Fauves de plastique par reading_is_dangerous]
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