Une tranche de jambon, disais-je, ou le jambon entier.
– Ce n’est pas vraiment du jambon, dit Gisette.
– Alors qu’est-ce que c’est ? dis-je.
– Qui sait ? dit Gisette.
C’était le temps des libellules. Il y en avait partout des demoiselles, des grosses et des petites, des douces et des méchantes, et jusque dans la soupe. Les chiens les poursuivaient. Les automobilistes n’en finissaient plus de laver leur parebrise. On disait même que Mike Tarrambird, dans la cabine de sa fusée, en avait trouvé trois.
– Tu as vu Tarrambird à la télé, hier ? demandai-je à Gisette.
– Pas vraiment, répondit-elle.
– Comment, pas vraiment ? demandai-je.
– Je l’ai vu une minute avant que de m’endormir, dit-elle.
– Avant de t’endormir, dis-je.
– Avant que de m’enformir, je veux dire m’endormir, dit Gisette avec un sourire.
– Ah ! ah ! riai-je, mais dis-moi donc ce que tu formais en dormant ?
– De sombres desseins, dit Gisette, et puis elle disparut.
Je ne la revis jamais. Plus tard, je fis connaissance avec une femme qui lui ressemblait un peu, qui s’appelait Francette, qui avait des doigts dans les cheveux, et du cheval dans l’œil. Elle parlait comme un tracteur, en tirant, en poussant, avec une force incroyable. Elle disait, « Jamais je ne mangerai sans toi, » et c’était vrai. Je suis parti en voyage ; à mon retour, dix jours plus tard, Francette avait perdu dix kilo, un kilo par jour ; heureusement qu’elle buvait encore de l’eau mélangée à du citron. « Comme Gandhi le faisait, » m’expliqua Francette.
– Peut-être, dis-je, mais le saint homme faisait ça devant des millions de ses concitoyens.
– Moi, je le faisais devant le miroir, dit Francette.
– C’est pleinement idiot, dis-je, car j’étais secoué de la voir si maigre.
– Là n’est pas la question, dit Francette, et je crois bien qu’elle avait raison.
Il n’y a rien, dans la vie, qui fasse vraiment de l’importance. J’aimerais connaître un rat, bon nageur et qui a du pif, qui m’apporterait des bouts de fromage, qui me présenterait son épouse, une jolie bête. À trois nous passerions nos soirées à jouer aux cartes, en hiver, quand les après-midi sont bleues. Je connais un jeu qui se joue à trois, qu’on appelle Kinga, que je vous apprendrai, si vous le voulez. C’est un divertissement formidable et qui était populaire auprès des femmes des officiers russes, à l’époque du
– Ce n’est pas vraiment du jambon, dit Gisette.
– Alors qu’est-ce que c’est ? dis-je.
– Qui sait ? dit Gisette.
C’était le temps des libellules. Il y en avait partout des demoiselles, des grosses et des petites, des douces et des méchantes, et jusque dans la soupe. Les chiens les poursuivaient. Les automobilistes n’en finissaient plus de laver leur parebrise. On disait même que Mike Tarrambird, dans la cabine de sa fusée, en avait trouvé trois.
– Tu as vu Tarrambird à la télé, hier ? demandai-je à Gisette.
– Pas vraiment, répondit-elle.
– Comment, pas vraiment ? demandai-je.
– Je l’ai vu une minute avant que de m’endormir, dit-elle.
– Avant de t’endormir, dis-je.
– Avant que de m’enformir, je veux dire m’endormir, dit Gisette avec un sourire.
– Ah ! ah ! riai-je, mais dis-moi donc ce que tu formais en dormant ?
– De sombres desseins, dit Gisette, et puis elle disparut.
Je ne la revis jamais. Plus tard, je fis connaissance avec une femme qui lui ressemblait un peu, qui s’appelait Francette, qui avait des doigts dans les cheveux, et du cheval dans l’œil. Elle parlait comme un tracteur, en tirant, en poussant, avec une force incroyable. Elle disait, « Jamais je ne mangerai sans toi, » et c’était vrai. Je suis parti en voyage ; à mon retour, dix jours plus tard, Francette avait perdu dix kilo, un kilo par jour ; heureusement qu’elle buvait encore de l’eau mélangée à du citron. « Comme Gandhi le faisait, » m’expliqua Francette.
– Peut-être, dis-je, mais le saint homme faisait ça devant des millions de ses concitoyens.
– Moi, je le faisais devant le miroir, dit Francette.
– C’est pleinement idiot, dis-je, car j’étais secoué de la voir si maigre.
– Là n’est pas la question, dit Francette, et je crois bien qu’elle avait raison.
Il n’y a rien, dans la vie, qui fasse vraiment de l’importance. J’aimerais connaître un rat, bon nageur et qui a du pif, qui m’apporterait des bouts de fromage, qui me présenterait son épouse, une jolie bête. À trois nous passerions nos soirées à jouer aux cartes, en hiver, quand les après-midi sont bleues. Je connais un jeu qui se joue à trois, qu’on appelle Kinga, que je vous apprendrai, si vous le voulez. C’est un divertissement formidable et qui était populaire auprès des femmes des officiers russes, à l’époque du
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[Image : Autoportrait en carton par reading_is_dangerous]
après-midi, sm. Partie du jour, de midi jusqu’au soir. ◊ Au pl. Des après-midi. ◊ Plusieurs le font féminin, dit l’Académie. (LE PETIT LITTRÉ)
Epique Epoque Opaque.
RépondreSupprimerSinon , je veux bien faire le quatrième lors des après-midi bleus.
;-)
Bon. Ça y est. Il est reparti dans une poésie qui n'appartient qu'à lui...
RépondreSupprimerKinga?... Oui. Mais...
Bon. Je serai certainement perdante car je ne sais pas jouer aux cartes ni compter...
Vous fournissez le thé?
oh ... rafraîchissant comme de la menthe dans un bain de jasette ;)
RépondreSupprimerj'ai bien aimé ma lecture. Merci !