Je m’appelle Louis Longtemps. Je suis vieux. J’habite la planète Mars. Je sais que Mars évoque la bataille, on dit bien « Mars, la rouge, » et comme nous sommes en ce moment au mois d’octobre, sur Terre, et bien, « octobre rouge » évoque, rappelle, rappelle la Révolution d’octobre, la révolution soviétique, soviétique, je ne sais pas si vous connaissez ce mot, c’est très intéressant, il faut lire à ce sujet, on raconte que Lénine était Juif, mais ça ne veut pas dire grand chose, sa famille comptait aussi des Lithuaniens, des Bouriates, des Russes, et d’autres personnes intéressantes aux nationalités évocatrices, qui me rappellent des aventures, des choses rares, des êtres formidables et d’autres exécrables, des figures rouges de honte, noires d’opprobre, blanches de colère, vous voyez ce que je veux dire. Je m’appelle Louis Longtemps, je suis très vieux, âgé, ancien, que voulez-vous?
J’explore le ventre d’une machine qu’on a trouvée ici, mais je ne me souviens plus quand, quand on l’a trouvée. Quand on l’a trouvée, j’étais petit ou peut-être que je n’étais pas encore né, pas né du tout. C’est une vue de l’esprit, c’est une conformation particulière des sens qui nous permettent de distinguer l’existence de la non-existence. On n’y songe guère au moment d’acheter ses bananes, ses tomates, sa nouvelle automobile, une fusée, un attrape-demoiselle, un âne. Il paraît que les ânes font un retour marqué. Les enfants disent, « Papa, je voudrais un âne, » et leur grand-mère l’achète. Elle achète l’animal, elle baptise l’animal d’un prénom évocateur, Garlos, Nimi, ou Este, ça sonne bien, l’âne est content, le petit aussi, la grand-mère est contente, le vendeur d’âne est content, le vétérinaire est content, le marchand d’avoine est content. Cette joie se communique aux étoiles qui sont très sensibles, le savez-vous ? On sait peu de choses à leur sujet, on imagine mal tout ce qu’on ne sait pas à propos des étoiles : leur sensibilité, leur délicatesse, leur timidité, leur solitude, leur âge. Moi-même, je suis très vieux ; ça ne se compte plus en années, mais en siècles, en milliers de siècles. Je suis né à cette lointaine époque quand on ne connaissait pas encore la Lune, les chemins de la Lune, les tunnels creusés sous la Lune, les batailles lunaires, les oiseaux lunaires, les miniatures de Sélène, les lampes lunaires, les lampes du temps où il faisait bien noir sauf en octobre, octobre rouge, octobre sur Mars. Je m’appelle Louis Longtemps, j’habite dans le ventre d’une éléphantesque machine qui ne sert à rien.
Je parle pour ne rien dire, voyez-vous. Certains écrivent comme ça. Moi, je ne dis pas non. Je fais ici pousser des fleurs, des roses, des roses grises, des roses grises, des roses toujours grises. Rien n’a de sens. Ni dessus, ni dessous, ni haut, ni bas. Rien n’a de sens sauf celui qu’on lui prête. C’est ce que je dis sans le dire. Je m’appelle Louis Longtemps.
J’explore le ventre d’une machine qu’on a trouvée ici, mais je ne me souviens plus quand, quand on l’a trouvée. Quand on l’a trouvée, j’étais petit ou peut-être que je n’étais pas encore né, pas né du tout. C’est une vue de l’esprit, c’est une conformation particulière des sens qui nous permettent de distinguer l’existence de la non-existence. On n’y songe guère au moment d’acheter ses bananes, ses tomates, sa nouvelle automobile, une fusée, un attrape-demoiselle, un âne. Il paraît que les ânes font un retour marqué. Les enfants disent, « Papa, je voudrais un âne, » et leur grand-mère l’achète. Elle achète l’animal, elle baptise l’animal d’un prénom évocateur, Garlos, Nimi, ou Este, ça sonne bien, l’âne est content, le petit aussi, la grand-mère est contente, le vendeur d’âne est content, le vétérinaire est content, le marchand d’avoine est content. Cette joie se communique aux étoiles qui sont très sensibles, le savez-vous ? On sait peu de choses à leur sujet, on imagine mal tout ce qu’on ne sait pas à propos des étoiles : leur sensibilité, leur délicatesse, leur timidité, leur solitude, leur âge. Moi-même, je suis très vieux ; ça ne se compte plus en années, mais en siècles, en milliers de siècles. Je suis né à cette lointaine époque quand on ne connaissait pas encore la Lune, les chemins de la Lune, les tunnels creusés sous la Lune, les batailles lunaires, les oiseaux lunaires, les miniatures de Sélène, les lampes lunaires, les lampes du temps où il faisait bien noir sauf en octobre, octobre rouge, octobre sur Mars. Je m’appelle Louis Longtemps, j’habite dans le ventre d’une éléphantesque machine qui ne sert à rien.
Je parle pour ne rien dire, voyez-vous. Certains écrivent comme ça. Moi, je ne dis pas non. Je fais ici pousser des fleurs, des roses, des roses grises, des roses grises, des roses toujours grises. Rien n’a de sens. Ni dessus, ni dessous, ni haut, ni bas. Rien n’a de sens sauf celui qu’on lui prête. C’est ce que je dis sans le dire. Je m’appelle Louis Longtemps.
::: ::: :::
[Image : La rose éléphante par reading_is_dangerous]
So many lines here that are amazing and reveal the vastness of your imaginative mind:
RépondreSupprimer//existence of absence//
//I live in the belly of an elephant machine that serves no purpose//
//it is hard to imagine anything we do not know about the stars: sensitivity, delicacy, their shyness, their loneliness, their age.//
//I speak to say nothing//
I cannot comment on any of them, because I do not have anything in my head except questions: about life, its purpose, the importance or unimportance of words and so on.
Your story is saying much but one has to read in between the lines and one cannot really trust himself with the meanings gleaned from them because they are constantly shifting every fraction of a second.
It is enough that you have once again moved my otherwise lazy mind into imagining and considering possibilities and impossibilities.
The art work is impeccable!
The rose stands out (although, paradoxically, in a subtle and quiet way)
Thank you.
Louis Longtemps perdu dans le temps de tous ces Louis quelque chose à chiffres...
RépondreSupprimerJe trouve que tout cela à bien du sens sans le vouloir. Je trouve que c'est une bonne idée de prendre soin de cette rose éléphante, cette machine dont on dit qu'elle ne sert à rien...
Je trouve que tout cela à un joli sens de mettre du rose dans l'octobre rouge de la planète rouge...
Évidemment, cela ne sert à rien de faire pousser de la poésie sur mars...
Mais, les étoiles aiment cette chanson de l'univers. Et qui sait, peut-être que quelques poussières retomberont sur notre bonne vieille Terre...
Elle a bien besoin de tous ces petits riens de rose éléphante...
Depuis LONGTEMPS , mes commentaires
RépondreSupprimern'ont ni queue ni tête.
Sinon , à part cela , l'important c'est ...