samedi 2 juin 2007

LA THEORIE DU PLEIN


il semble impossible qu’on puisse rater sa vie quoi qu’on fasse et quoi qu’on en fasse
Je vous le dis franchement
Je ne vois pas
Je ne vois qu’on puisse rater sa vie

ça donne du coeur d’y penser
Ça donne des moyens
Du courage pour écrire des poèmes ou des lettres terribles
Pleines de monstres pleins
Des lettres pleines de monstres à naître
Des lettres rondes et qui débordent
Des lettres qui piquent
Des lettres qui attrapent
Des lettres qui mordent

ce matin, j’ai mangé une aiguille
Demain, un bol de clous
Après-demain, une cheville
Dans un mois, le cou d’un immeuble de vingt-trois étages
Dans un an, l’immense taïga

l’autre nuit en rêve, je me lançais dans le vide
Une fois
Deux fois
Trois fois
Bien sûr que je sais voler en rêve
Depuis trente ans que j’améliore ma technique
Ah! Si j’écrivais en songe
Je pourrais enfin prendre mon envol
Survoler des pays imaginaires sans risquer de m’y écraser

je ne suis bon qu’à chercher des atomes hypothétiques
D’or
Une fleur
Un charme
Le centre d’attraction de ma pensée qui butine
Voyez-vous, j’ai tout compris mais je ne parviens pas à expliquer ce que j’ai compris

c’est un phénomène fréquent ou qui l’était
Un homme partait dans la forêt
Il y rencontrait une louve ou un léopard ou une faim
Cette rencontre, ça le faisait réfléchir
Notre promeneur
Notre promeneur

aujourd’hui je me promène en ville et c’est finalement aussi bon
Seulement les signes ont changé
Le chemin indiqué devient tous les jours plus ardu
Quoi qu’il en soit, comme je le disais, impossible de rater sa vie
Ce qui n’empêche pas qu’on se perde
Ici et là
Dans le brouillard
Dans le brouillard rose des chairs empoisonnées
Dans le rose brouillard des idées sans chair
Dans le rose brouillard des idées fixes et sans flair

qui n’a pas l’odorat bien développé va s’y perdre
Qui a l’oeil mort, nage mal
Qui n’a pas d’oreille
Qui n’a pas de mains
Qui n’a pas. . .

oh!
Il me faudrait encore un couteau
Couper ce qui dépasse
Couper ce qui passe
Couper ce qui pa. . .
Qui passe sur le cou. . .
Qui passe sur le cou, couper

oui!
Un énorme coutelas bien aiguisé
Une lame qui fasse peur au ciel lui-même
Une lame qui tranche à l’endroit même où naissent les vagues
Une lame qui décapite le brouillard
Une lame qui fasse reculer les flammes
Une lame qui exécuterait les larmes d’une enfant
Une lame qui taillerait en petits morceaux l’incompréhension et la méchanceté
Une lame qui te couperait l’oeuf en minces lamelles

un microscope
Un bon microscope relié à l’oeil d’une bonne caméra vidéo
Ça me donnerait des images
De quoi écrire pendant encore dix mille ans
Tiens, je devrais peut-être quand même me relire de temps à autre

à pleins yeux, à pleins yeux, à pleins yeux
Depuis longtemps que j’ai une theorie du vide, il me faudrait maintenant une théorie du plein

::: ::: :::

[Image: Le revolver à billes d’or par reading_is_dangerous]

2 commentaires:

  1. your drawing:

    a sea-soup of chopped
    brain with a dash of
    pink fog with a face
    with a neck with a
    revolver with a gold
    atom at the center
    hovering over a seething
    heart of pink that cannot
    be contained by chest
    ribcage or gravity because
    you filled it up with helium

    ===
    the poem sounds interesting
    but the translator tells me
    that i should stop at the
    gate and not enter into it fully

    it's okay
    i can feel the poem's
    beauty anyway the way a blind
    woman uses Braille :)

    ~E.

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  2. "Une lame qui tranche à l’endroit même où naissent les vagues" - superbe évocation. Ça fait du bien de te lire, j'étais déconnecté depuis une semaine.

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