II
Une femme au visage jovial et resplendissant d’aménité accueillit Edouard P lorsqu’il entra dans son bureau. C’était sa secrétaire « à l’ancienne », on l’appelait madame Libilis. Elle paraissait sans âge. Elle avait les yeux bleus et le regard paisible, des cheveux châtain clair qu’elle gardait soigneusement coupés courts (trop à mon goût) et le teint fleuri, et la poitrine pleine. Elle examinait une plante en pot placée sur le rebord d’une fenêtre, une alkékenge aux fruits presque mûrs, qui ressemblaient typiquement à des petites lanternes de papier fin et orangé.
« Bonjour monsieur P, » salua madame Libilis.
« Comment va l’Internet ce matin ? » demanda impoliment le gros P.
« Comme le tournesol sous les nuages, » répondit madame Libilis tandis qu’elle enlevait à l’alkékenge quelques feuilles jaunies.
« Comment vont les fruits ? » demanda P en pointant un index ganté vers la plante.
« Ils mûrissent pour vous, » dit la douce secrétaire qui préparait chaque année une drogue en broyant les fruits d’une récolte habituellement abondante, car elle avait le pouce vert, et plusieurs douzaines d’alkékenges croissaient chez elle, cela à la plus grande satisfaction de son patron. Il faut savoir que le jus du fruit de l’amour en cage—c’est un autre nom de cette plante—a des pouvoirs anesthésiants et anti-inflammatoires utiles quand on l’applique directement aux éminences douloureuses appelées hémorroïdes et qui faisaient beaucoup souffrir notre massif ami, Edouard P.
« Comment vont les nouvelles ? » demanda ce dernier.
« Vous le savez sans doute mieux que moi : le nombre des partisans de la révolution double de jour en jour. Aux échelons inférieurs du gouvernement, les insectes levant leurs antennes pour écouter la rumeur se laissent peu à peu séduire par ses promesses mielleuses. Le vice-ministre de la Lumière a démenti voilà une heure l’annonce de son arrestation ordonnée dit-on par le ministre lui-même… »
« Quelle heure est-il ? » demanda P en coupant brutalement le rapport de sa secrétaire.
« Dix heures trente, » répondit madame Libilis.
« Lejeune est-il ici ? » demanda encore P.
« Dans votre cabinet, » répondit la secrétaire avec un sourire fanatique.
« Eh, eh, eh, eh ! » fit Edouard P de sa voix fluette, tirant la langue au mur. « Il y a une araignée, là, » dit-il, et il écrasa la bête innocente de son index ganté.
« Le froid les ralentit, » déclara-t-il ensuite.
« Il faudra justement que nous commencions à chauffer… » suggéra la dame en caressant le coqueret (c’est aussi un nom de l’alkékenge).
« Pas avant le seize novembre, » répondit P, et il se tourna à gauche pour faire face aux trois portes qui permettaient l’une comme les deux autres d’entrer dans son cabinet. Il y avait là un petit mystère que j’expliquerai plus loin, la raison de ces trois portes placées l’une à côté de l’autre, mais pour l’instant je veux suivre Edouard P qui se décida soudainement et choisit la porte du centre qu’il poussa pour entrer dans son cabinet, moi derrière lui.
(à suivre)
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[Image : Le tour du chapeau par reading_is_dangerous]
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerThe title, Love in A Cage, is intriguing. It makes me ask: "who", "why" and "how"
RépondreSupprimerThe description of the potted plant and its fruit, is pretty: "resemble typical small paper lanterns and orange end" --it fills my mind with bright orange colors.
To P's question about the fruit, the secretary answered: "they ripened for you."
Wow.
Imagine being told by someone that.
It would make anyone feel special.
"They ripened for you."
No wonder Mr. P. couldn't help but say
"Eh, eh, eh, eh! "
(this expression is also funny to me)
And oh--
poor spider!
Did Mr. P. just squish it with his finger?
The details
are described with images
that shine with bright colors
and move with meaningful action
and sometimes they make me smile
(although I may
have gotten this all wrong
the translation is still not easy
to grasp right away)
Looking forward to more
Your picture holds so much
mystery and depth